Salut à vous deux, tout d’abord merci de nous avoir accordé cette interview. Pouvez vous vous présenter en quelques mots, retracer un peu votre parcours, votre rencontre ?
Bonjour, pour faire court en ce qui concerne notre couple nous sommes ensemble depuis une quinzaine d’années et nous avons monté Katapult et tous les projets ensemble.
Laetitia : Notre parcours professionnel commence en 1996 avec l’ouverture de notre première boutique de disques à Rouen (76) où nous sommes restés 3 ans, nous avons ensuite décidé de partir et d’aller ouvrir notre magasin à Paris afin d’avoir plus de visibilité pour notre premier label qui s’appelait Katapult. C’est en 1999 que nous ouvrons Katapult à Paris et que nous rencontrons Ark. Grâce à cette rencontre nous avons créé le label Karat qui deviendra notre unique label et sur lequel vous pouvez retrouver les artistes comme Chloé, Krikor, Philippe Cam, Guillaume and the Coutu Dumont, The Mole, Sonja Moonear, Portable, Mikael Weill, Feadz, Oizo et bien d’autres. Jusqu’en 2005 nous cumulons l’activité de disquaire, de promoteur et de label mais la conjoncture à cette époque ne nous permet pas de garder la boutique Katapult , nous fermons en juillet 2005 et nous nous concentrons alors sur le label, notre travail de dj et les soirées. Aujourd’hui nous avons de nouvelles signatures comme Dolibox et Eddie C dont nous sommes extrêmement fiers, nous ressortons cet hiver une compilation avec : Baby Ford, The Mole, Ark, Sonja Moonear, Dolibox… et l’album de Dolibox « Fake is Beautiful » qui sera je pense considéré comme un des grands albums de musique éléctronique de l’année prochaine et enfin nous venons de créer une agence de Booking « Karat Booking Agency » dans laquelle Le K, Dolibox, Antislash, Philippe Cam, Alex de Katapult et moi même sommes présents
A quel âge votre amour pour la musique et l’envie de le faire partager a-t-il débuté ?
Laetitia : Ma passion est assez tardive, j’ai toujours écouté de la musique mais c’est avec l’arrivée de la musique électronique et les raves que tout s’accélére. Cette musique m’hypnotise, j’ai commencé à acheter des vinyls à l’âge de 18 ans, aujourd’hui je me nourris de beaucoup de musique chaque jour, j’achète et j’écoute du jazz, du funk, du disco, de la house, de l’electro et bien d’autres choses… Je suis devenue une boulimique, je continue d’acheter une dizaine de disques par semaine et j’ai eu envie de faire partager ma passion dès l’âge de 20 ans en ouvrant avec Alex notre boutique.
Alex : Mes parents tenaient une boite de nuit, j’y ai organisé des boums à 11 ans, enregistré mes premières cassettes etc… J’ai ensuite eu entre les mains les « french kiss » « promised land » « rock to the beat » quand ils sont sortis, là j’ai crû comprendre que quelque chose allait arriver ! Puis j’ai organisé là-bas mes premières fêtes techno en 92.
Votre carrière musicale vous a amené à découvrir des clubs, à faire la rencontre d’artistes de renommée internationale et beaucoup de choses encore, quels sont les meilleurs souvenirs que vous gardez ?
Laetitia : J’ai beaucoup de souvenirs mémorables , je dirais que les meilleurs moments sont ceux où l’on partait avec le staff Karat en tournée, là c’est génial d’être avec ses amis, de jouer dans des pays différents, on se marre tellement, ça unis beaucoup les gens, on garde plein de moments incroyables. La plus grande folie se sera une tournée entre Berlin et Jena avec Dolibox, Julien Caviste, Ark, Mikael Weill et Alex on s’est retrouvé dans des situations tellement folles que trois ans plus tard lorsqu’on s’en reparle on en rit encore… et pour le club ce sera bien évidemment comme pour pas mal de djs qui ont eu la chance de jouer làbas le Robert Johnson à Offenbach, le son est juste hallucinant, c’est un cube conçu pour la musique, rien que la musique, c’est trop bon de jouer sur leur table de mixage, elle n’a pas de tranche mais des gros boutons pour mixer, c’est une RANE. Lorsque tu joues avec ça tu as l’impression d’être aux commandes d’un vaisseau spatial.
Alex : Pas de souvenirs en particulier, mais un constat intéressant, que les gens authentiques ne changent pas avec le succès ni avec le temps qui passe.
Vous mixez la plupart du temps à deux il me semble, comment vous organisez vous pour vos sets ? Souvent en ping pong ? Comment ça se passe ?
Laetitia : On ne mixe jamais ensemble, on ne s’entend pas du tout lorsque l’on fait un ping pong, une catastrophe. Nous jouons très souvent dans les mêmes soirées mais c’est tout…. On a tous les deux un style différent.
Alex : Chacun mon tour.
On sait que pour les disquaires les temps sont durs avec l’avènement du digital, à Nantes, le dernier encore en vie à fermé ses portes il y a peu de temps. Vous qui avez tenu un shop, que pensez-vous de cette commercialisation massive de la musique digitale ?
Laetitia : Je ne suis pas contre la vente de digital pour une écoute domestique, chacun fait ce qu’il veut chez lui, en revanche je déteste voir des gars mixant avec du serato et autre logiciel, je comprends le côté pratique de la chose lorsque l’on voyage mais mis à part ça je trouve d’une que le son est beaucoup moins bon même si certains essayent de faire croire le contraire et que la démarche n’est pas du tout la même que le fait de se déplacer chez son disquaire. Là bas on rencontre des gens, on discute des disques que l’on achète, on se fait découvrir des morceaux, on parle des pochettes, des artistes qui ont fait le disque… Pour ma part, je refuse de faire jouer des djs qui ne jouent pas du vinyls, c’est une question d’éthique… je suis un grand dinosaure et fière de l’être.
Alex : Je pense que les meilleurs djs jouent toujours sur vinyl.
Comment gérez vous votre label, Karat ? Avez vous une répartition des tâches précise et pouvez vous nous parler des sorties à venir, il me semble que Dolibox va sortir son album prochainement ainsi qu’un EP de Ark ?
Laetitia : Karat demande beaucoup de travail, surtout pour la promotion, c’est un travail de longue haleine . Pour la direction artistique nous décidons à deux de ce qui sortira chez nous.
Je m’occupe essentiellement de la promo, de la fabrication, des relations avec les artistes, Alex écrit toutes les bios, les textes de promotions, etc….
Pour les sorties à venir, comme je le disais au dessus nous sortons cette année le premier album de Dolibox – fake is Beautiful qui est un très beau projet dont je suis super fière, nous sommes actuellement en train de tourner le clip qui illustrera l’album…. s’en suivra une nouvelle compilation avec des grosses pointures de la scène et bien entendu des maxis, le prochain étant une nouvelle signature : MZKBX qui va certainement faire parler de lui dans peu de temps car sa musique est juste….. incroyable… je vous enverrais vite la promo
Nous ne sortons plus de maxis régulièrement simplement parce que en ce moment j’entend tellement de bon disques chez mon disquaire (Blaise) qui a une super bonne sélection que je ne veux surtout pas proposer quelque chose de moyen… Actuellement des gars pas forcément connus font de la musique énorme, ça met la barre haut, ça change de la deep house de merde que l’on bouffe depuis quelques années… c’est tellement agréable de pouvoir acheter autant de disques et de renouveler son bac
Vous recevez Ricardo Villalobos chaque année pour vos soirées Katapult. J’imagine que vous devez avoir une relation privilégiée avec lui. Comment vous êtes vous rencontrés ? Qu’est ce qui vous fascine le plus chez lui ?
Laetitia : Nous nous sommes rencontrés lorsque nous avions à peine 20 ans, il travaillait chez Newton (défunt distributeur allemand situé à Offenbach), nous étions clients chez eux, nous allions là bas toutes les deux semaines. Au début nous ne savions pas qui c’était et deux trois ans plus tard alors qu’il avait quitté Newton pour se consacrer à sa carrière de dj et producteur, nous l’avons revu. On lui a donc demandé quel était son nom de dj… et oh surprise c’était Ricardo qui n’était pas encore connu à l’époque mais qui faisait de super beaux morceaux et déjà des mixes endiablés. Nous l’avons donc fais jouer à Paris et aujourd’hui grâce à sa fidélité nous sommes en effet des privilégiés car nous avons la chance de le faire venir chaque année dans nos soirées.
Je ne suis pas fasciné par Ricardo, nous sommes des amis et défendons les mêmes valeurs. C’est certainement pour ça qu’il nous aime bien.
Alex : Voir question 3.
Vous avez chaudement recommandé le live de Bodycode à Raphael pour sa programmation Fragil. Le live est parait-il impressionnant. Quelques mots sur votre ressenti ?
Laetitia : Portable est un des producteurs les plus talentueux qui soit, il suffit de voir les labels sur lesquels il travaille pour s’en rendre compte. Il est d’abord rempli d’humour, il peut-être très drôle à voir scéniquement (la dernière date que j’ai fais avec lui il avait emmené un micro en forme de baguette de princesse) c’était assez comique. Quand à la musique, Portable a un son bien particulier, assez tribal mais sans utiliser de percu, il emmène les gens super loin. Il y a un groove de folie dans sa musique… c’est dansant , prenant, vous risquez d’être conquis !
Alex : La très haute technologie au service de l’émotion, le sérieux et le fun, le chaud et le froid…
Qui auriez vous envie de voir jouer prochainement ? Quels sont vos favoris parmis les artistes actuels ?
Laetitia : Actuellement je suis très intéressée par SKUDGE, ce sont deux Suédois qui ont sorti deux maxis sur leur propre label et un autre sur le label Alphahouse. Nous montons un festival cet hiver à Paris et ils seront présents. Ils ne jouent qu’avec des machines : Tr-909, SH-101, Future Retro XS, Doepfer MAQ16/3, Akai MPC-50, vu la musique qu’ils produisent, j’ai hâte de voir le live.
Alex : Voir le programme des prochaines soirées Katapult !
En trois mots votre ressenti sur Perlon ? Votre label préféré ?
Laetitia : Je suis très admirative du label Perlon, en effet, c’est surtout le parcours de Zip, boss du label, qui m’impressionne, ce gars n’a jamais fait un faux pas, il fait partie des artistes que je respecte le plus, c’est un grand homme. Je le considère comme le grand manitou de cette scène musicale en fait. J’aime la façon dont sa carrière se poursuit, le gars est super discret, ne jure que par la qualité, ne fait aucun compromis, on n’en entend jamais parler mais il joue tout le temps, partout, tout le monde le respecte et en effet son label ne fait quasiment jamais de fausse note.
Alex : Je n’ai pas de label préféré, mais celui-ci est assez constant, sa démarche assez singulière, pas de promos, pas de web etc…
Que pensez vous du gros buzz qu’il y a eu sur Wolf + Lamb en 2009 ?
Laetitia : Je ne sais pas quoi penser, je ne me suis pas intéressée au phénomène, d’une façon générale je trouve que beaucoup de choses font beaucoup de bruit pour rien et je m’intéresse peu à la scène deep house actuel. Je trouve que c’est une musique insipide et sans saveur, je ne prend pas de plaisir à écouter ce genre de son.
Alex : Première fois que j’en entends parler !
Des petits labels que vous affectionnez ?
Laetitia : Skudge, Naif records, Uzuri records, Atavisme, y’en a d’autres.
Alex : Quintessentials, Musique Risquée, 3024, Prime Numbers.
Le coup de coeur du moment ?
Laetitia : J’aime bien la clique de Jus’ed mais aussi Trus’me, Linkwood, Eddie C, ainsi que Skudge que j’ai déjà cité.
Alex : Escape from New York « Fire in my heart »
Encore merci d’avoir répondu à nos questions, rendez-vous le 21 au Calysto ! Le mot de la fin ?
Laetitia : Heureuse de venir jouer à Nantes merci !!
Alex : Hâte de découvrir Nantes, où je ne suis jamais allé !