A l’occasion de son partenariat avec LA BLUE, c’est aujourd’hui Ben Vedren qu’Input Selector interviewe. Rendez-vous demain dès 14h au 2, rue de l’écluse des vertus à Aubervilliers pour voir Ben Vedren, Pit Spector et Vadim Svoboda sur un rooftop de plus de 1000 m2. On vous aura prévenus : il y a des noms de rue qui sont déjà tout un programme.
« Ben Vedren fait partie du paysage musical Parisien », cette phrase s’impose d’elle même et pourtant elle ne signifie rien tant que ledit paysage n’a pas été décrit. Or, on ne s’improvise pas Watteau. C’est donc un souvenir qui introduira cette interview : terrasse quai de la râpée, Ben Vedren caresse des i pads, on me dit que c’est un live ; le soleil : blond corona, puis, au moment de se fixer dans ma mémoire, sépia ; nous avons dans les jambes la nonchalance (=paresse + élégance) d’une après-midi qui s’étire. Il faut capter cette énergie ; il le fait. La vie est parfois simple et belle comme un bon set au soleil.
INTERVIEW
Tu as commencé derrière les machines, avant de connaître la lumière avec tes résidences Concrete et tes productions Minibar. Est-ce que tu peux nous présenter ton parcours, et tes projets ?
A l’origine, je suis guitariste. Puis, j’ai suivi une formation d’ingénieur du son, et je suis aujourd’hui également formateur certifié Ableton. J’ai d’abord fait part de quelques groupes funk-jazz avant de produire et de composer. En tant que compositeur, j’ai travaillé (et continue de le faire) sur des projets très variés qui m’ont amené notamment à la Villa Médicis à Rome, aux festivals des nuits blanches à Paris ou des Lumières à Lyon, au Grand palais…En tant qu’ingénieur du son, j’ai été amené à travailler avec beaucoup de DJs, comme Jef K, Dan Ghenacia, ou Jennifer Cardini; aussi afin de leur apporter mon experience de producteur pour finaliser des morceaux par exemple.
Dans mes projets, j’ai pas mal de surprises à venir prochainement, notamment un EP sur Concrete ainsi qu’un projet avec Chez Damier “Heart 2 Heart” qui sortira très bientôt sur Mojuba. Et puis toujours mon live, que je fais évoluer constamment.
A propos, on se demandait tous : qu’est-ce que cela fait de jouer entre Kerri Chandler et Robert Hood, comme tu as eu l’opportunité de le faire pendant le festival Weather ?
Ah ah ! Disons que j’y aurais difficilement cru si on me l’avait dit un jour ! Un honneur, bien sûr, ce sont 2 figures majeures de cette musique. J’ai toujours admiré les productions de Robert Hood, son minimalisme ultra précis; Kerri, lui, m’a marqué par les émotions et l’énergie qu’il transmet.
Est-ce que tu peux nous parler davantage de ces fameuses masterclasses que tu organises ?
Les masterclasses sont des évènements que j’affectionne particulièrement. Les gens y viennent pour se former, pour s’inspirer ou tout simplement découvrir Ableton. Elles se présentent sous deux formes : la forme classique, institutionnelle qui s’apparente à une démonstration autour d’un thème; et la forme interactive, où les stagiaires viennent avec leurs machines. Le public va du curieux au professionnel; c’est toujours un moment d’échange et de rencontre. Cela fait pas mal d’années que je fais ça et je recroise de temps en temps des anciens qui ont fait leur bout de chemin depuis. J’ai même des stagiaires qui se sont rencontrés lors de ces masterclasses et qui produisent ensemble aujourd’hui.
Dans quelle mesure tes projets intègrent-ils tous ces avancées technologiques ? Que fais-tu qui aurait été impossible sans Ableton, par exemple ? Je me rappelle notamment de ton live à la Concrete avec des iPads !
Je suis en constante recherche sur mon set up, l’idée étant de toujours aller à l’essentiel avec le maximum de confort. Les i-pads m’ont par exemple permis de mettre l’ordinateur dans un coin. C’était très important pour moi qu’il n’apparaisse pas sur scène, car cela rend la prestation beaucoup plus vivante pour le public par rapport à un live réalisé avec un ordinateur. Cela me permet d’être davantage avec lui. Quant au logiciel Ableton Live, il est le cœur de mon set up; je n’aurais jamais pu le réaliser sans cet outil fantastique.
En tant que professeur de MAO (Musique Assistée par Ordinateur), comment vois-tu les rapports entre musique et maîtrise technique ? Penses-tu que la maîtrise du logiciel occupe aujourd’hui le premier plan par rapport à des qualités musicales qui seraient secondes ?
Le constat est simple: aujourd’hui, toute personne possédant un ordinateur peut faire de la musique, même sans aucune notion musicale. On peut même télécharger un dossier rempli de boucles et finir un morceau en 5 minutes.
La musique reste primordiale, mais la technique mène aussi vers la musique. L’évolution technologique est inarrêtable, il y a tous les jours de nouveaux outils ou instruments géniaux qui apparaissent, et je trouve qu’il serait dommage de s’en priver.
Après, pour moi, la musique restera toujours devant, bien sûr, à cause de l’émotion. Je préfère un track qui sonne mal mais qui transpire quelque chose, plutôt qu’un morceau hyper bien produit, avec un gros son, mais qui ne veut rien dire.
Tu fais partie des Concrete Souls. Or, la Concrète est aussi connue pour son exigence du 100% vinyles. D’une manière générale, dans un champ plutôt rétif à l’innovation technologique (sacralisation du vinyle, culte de l’analogique, prime aux 909…), comment te situes-tu ?
Je viens du vinyle, et après une infidélité avec Traktor, j’y suis revenu accompagné de CDs. J’ai fait ce choix pour 3 raisons : le côté ordinateur sur scène dont je parlais tout à l’heure, sans compter les branchements parfois épiques ; le trop-plein de possibilité des logiciels, alors que la restriction amène à la créativité ; les sensations.
Je n’ai pas de problème sur le plan artistique entre vinyle et Traktor; ce qui est plus embêtant par contre c’est que très souvent les personnes qui utilisent ce genre d’outils n’achètent plus la musique, et ce phénomène est d’autant plus triste qu’il semble être devenu la norme. Et pourtant ces gens là savent le temps que cela prend de créer, le nombre d’heures et de nuits passées en studio juste pour faire un morceau…
A propos de cela, que penses-tu de la technophobie du dernier Daft Punk, et de ce retour à la sacralisation du « vrai musicien » et du « vrai instrument » de la part de pionniers de la musique électronique ?
Je trouve la démarche intéressante sur le papier : rien ne vaut un bon musicien et c’est vrai que ce feeling manque assez souvent je trouve dans la musique électronique. J’ai en tête un titre de Kalabrese « make love disco », qui est entièrement joué et c’est vrai que cela apporte énormément.
Apres l’album des Dafts n’apporte je trouve absolument rien de nouveau, et pour cela je le trouve inintéressant. Ca me fait un peu penser à l’analogie des statues grecques de Vassili Kandinsky : il disait qu’à son époque des gens essayaient de reproduire les statues grecques, mais que de toute façon, le résultat serait toujours en dessous de la quasi perfection des originaux, et surtout, que cela ne servait pas à grand chose d’un point de vue artistique. J’en suis!
Un petit track à nous conseiller pour la route ?
Morning Factory by Chez N Trent (Prescription).
Merci beaucoup !
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