La petite cuisine d’Opal Tapes par Wassyl Abdoun.
Event: Facebook / Site (Les Instants Chavirés)
Opal Tapes: Discogs / RA / Soundcloud / Site / Tumblr / Facebook
Le 4 février, la salle de concert parisienne Les Instants Chavirés invite le label Opal Tapes pour son premier showcase en France. En deux ans, la maison mère de Huerco S. ou de Karen Gwyer est parvenue à faire se retourner toutes les têtes, malgré des choix artistiques pour le moins clivants. Retour sur la recette gagnante de Stephen Bishop, le super boss du label à l’opale.
Si on grossit le trait, on peut dire qu’Opal Tapes, c’est de la cuisine moléculaire de haut niveau mais servie dans une boite de 6. Côté moléculaire, le label prend à bras le corps, avec panache, talent et raffinement la tendance lourde de la musique électronique actuelle, celle qui définit des artistes comme Pete Swanson ou Vatican Shadow, à savoir une collision frontale entre la techno, la noise et la musique industrielle. Le coté boite de 6 vient lui plus du médium qui a été choisi pour la diffusion du son Opal Tapes, la cassette audio et seulement cela. Oui, ces petites choses carrés en plastique qui marchent dans presque toutes les voitures du monde, du Texas à l’Oural.
Huerco S Prinzif:
Un mélange des genres que certains voient d’un mauvais oeil. A l’heure du retour en force du vinyle, vendre de la cassette audio quand on ne trouve jamais de piles pour son walkman (voire son walkman tout court) peut être considérer comme une pédanterie hipsterienne de premier ordre. On en vient d’ailleurs à se demander si les acheteurs écoutent réellement les cassettes ou si ils se contentent des versions numériques livrées avec celles-ci. A l’heure du tout dématérialisé, l’objet cassette-audio peut révéler une forme de snobisme suprême chez l’acheteur. Pourtant, s’arrêter à cette simple considération, c’est nier la recherche esthétique, presque politique du label, une recherche qui a construit en deux ans un univers dense, à cheval entre la lo-fi, le DIY et la techno.
Stephen Bishop explique son choix ainsi : « J’aime le filtrage naturel de la bande magnétique. J’aime comment il rend le son plus brut. De plus, la cassette ajoute une composante de fragilité à cet invisible et volatile gaz dans lequel on se plonge et que l’on écoute». Poète ce Stephen Bishop. Et grand manitou. C’est lui qui régente tout ce petit monde, du choix des artistes au mastering homemade des tracks. Mon label dans un T1 en somme. Une entreprise locale qui ne l’empêche toutefois pas d’avoir dans son écurie des artistes venus des 4 coins du monde. 38 cassettes sorties plus tard, force est de constater que ce qui semble intéresser Stephen Bishop, c’est l’expérimentation. Avec comme référence suprême le label berlinois PAN (fondé par Bill Kouligas et qui nous abreuve de pépites sonores depuis 5 ans maintenant), Opal Tapes est entièrement tourné vers l’avant-garde et le mélange des genres.
1991 Harm Autumn:
Ce ne sont pas des remixes de Modeselektor ou le dernier Dettman que l’on cherche à promouvoir sur le label mais bel et bien des pastilles sonores non règlementées: des tracks d’ambiant de 19 minutes au son craquelé pour Wanda Group ou 1 minute 24 secondes de synthés saturés et bourrés d’interférences avec 1991, des variations sur le bruit blanc, le drone ou la noise en veux tu en voila avec Huerco S ou the Siege of Troy, et j’en passe. Une sorte de jusqu’au boutisme musical.
Des choix qui peuvent en rebuter plus d’un mais qui servent de porte d’entrée royale à ceux qui imaginent que la musique électronique s’arrête après le vestiaire des clubs. La direction artistique d’Opal Tapes aurait du cantonner le label à une audience (très) limitée. Mais voilà, le succès est au rendez-vous. En surfant sur un effet de mode certain, grâce à un tirage limité (entre 50 et 200 exemplaires) et un système de pré-réservations efficaces, les cassettes sont sold-out avant même leurs dates de sortie. Certains artistes comme Huerco S. ou Anthony Naples surfent aujourd’hui au plus haut de la vague électronique. Yves de Mey et Shapednoise font des envieux partout où ils passent. Patricia, aka Mark Ravitz, vient de sortir un des meilleurs albums Acid-techno-dub de ce début d’année. Les festivals les plus pointus en Allemagne ou en Angleterre font des pieds et des mains pour offrir à un public demandeur un petit peu des cassettes d’opales. Le succès est tel que Bishop a récemment lancé Black Opal, un autre label qui distribuera les sorties les plus dancefloor friendly du label original, mais sur vinyle cette fois. Un travail de vulgarisation qui ne peut que réjouir les mélomanes aventureux que nous pouvons être.
Patrcia – Josephine:
Le 4 février, ce seront donc les têtes d’affiche du label qui se produiront à Paris. La noise industrielle du boss Stephen Bishop (aka Basic House), la pop glaciale de Karen Gwyer, les synthés oniriques de 1991 ou la bass music à la mode d’Emptyset pour Lumisokea. Ils seront tous là pour la première fois en France, et dans une petite salle et ça vaut le détour d’y aller, parole d’Input.
Par Wassyl Abdoun
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