La musique électronique a toujours su nous faire rêver au travers de ses sillons. Néanmoins, bien loin des disquaires, dans nos salons, tout près du magnétoscope de mamie, la console de jeux ronronne parfois, elle aussi, de mélodies insoupçonnées. C’est le cas du jeu video Fez, dont la musique a été composée par Disasterpeace.
Mais si vous avez vécu dans une grotte ces dernières années, ou avez arrêté de jouer car vous étiez « trop vieux pour ces conneries », vous n’avez sans doute jamais tendu l’oreille sur ces bandes originales qui sont devenus mythiques pour certains.
Voici donc un petit cours sur l’évolution des musiques qui ont rythmé la gameboy de vos congénères.

À ses débuts, le monde vidéoludique ne plaçait pas le travail d’un compositeur en priorité dans le développement d’un jeu. À vrai dire, c’était même une partie négligée.
Peu à peu, des thèmes musicaux prirent forme. Et même si ces derniers s’inspiraient  d’un répertoire allant du classique (Tetris) en passant par la dance des années 90’s (Street Of Rage), des codes musicaux s’instauraient.. Ainsi, en creusant dans les divers styles, les musiques de jeux iront jusqu’à créer leur propre style, en partie dû à la limitation sonore imposée par nos bonnes vieilles consoles et les compositions devant coller à l’univers du jeu. Nous assistions alors à la naissance de la musique dites chiptune, qui  se retrouvera par la suite dans le vaste paysage de l’électronique (Synapsen Kitzler – Frazy). Depuis quelques années, ces bleeps bleeps que nos parents haïssaient tant envahissent d’ailleurs la musique pop, bouclant ainsi la boucle.
Mais nous ne sommes pas là pour nous étendre sur la musique liée à ce milieu, car il y en aurait énormément à dire. Attardons nous plutôt sur la vie de Disasterpeace.

Disasterpeace

Rich Vreeland, plus connu sous le nom de Disasterpeace est un sacré compositeur au bagage musical riche. Adolescent, ce sont des groupes comme Rage Against The Machine, Tool ou encore Yes qui lui donnent l’envie d’apprendre la guitare. Puis, son oreille s’ouvre au piano de Ravel ou Debussy. Il découvre aussi avec la musique électronique, n’hésitant pas à citer Röyksopp ainsi que Steve Reich comme influences.
Au niveau du parcours scolaire, il étudie au Berklee College Of Music où il acquiert ses talents de compositions et enchaîne avec le MIT Game Lab pour y développer sa passion de designer pour le jeu video.
Mêlant tout ça, il produit une floppée d’albums résolument chiptune mais aux sonorités rock ou encore orchestral, comme Strays ou Under The Influence.
Et quelques soundtracks plus tard, il rencontre Phil Fish et Renaud Bedard, créateurs de FEZ. (Si vous voulez en savoir plus sur le jeu, nous vous conseillons de regarder Indie Game The Movie, car il faudrait beaucoup plus qu’un article pour en parler). Phil demande à Rich une musique qui ressemblerait à du “Vangelis Chiptune”.  24 heures plus tard, le thème du jeu fut créé et la machine lancée.

Disasterpeace

Finalement, nous arrivons à la partie essentielle de cet article : la fameuse bande originale.
L’atout majeur de la composition de Disasterpeace vient de l’attention portée à l’image. Le jeu développe un pixel art raffiné mélangeant l’art du 8-bit aux outils informatiques actuels. La musique suit alors ce même chemin, voguant sur des sonorités ambient/noise et électronica, le tout saupoudré d’un style synthétique rétro propre aux années 80’s.
Nous commençons l’écoute sur un appel à l’aventure, une mélodie qui résonne et instaure dès le début une reverb qui sera présente sur tout l’album. Le synthé est accompagné d’une rythmique qui s’efface au fur et à mesure, nous guidant dans cet univers intriguant où bruits et effets électroniques prennent une place de choix.
Ainsi, ce qui débuta comme une ballade mute peu à peu, se transformant en une ambient relaxante. Les thèmes musicaux se jouent de façon épurée et soignée. La rythmique revient puis disparait, les accords amènent alors des images de grands espaces complexes à explorer, allant jusqu’à faire dans le sound design en incorporant des bruits de vagues. Disasterpeace va alors retranscrire les impressions du joueur, ses sentiments par le biais de nappes synthétiques. Mais la force de cette BO ne vient pas seulement de son ambiance , elle passe par les codes des musiques électroniques actuelles. Par exemple le morceau “Glitch” impose un son plus propre, jouant moins avec les effets comme le bitcrusher qui, jusque là, donnait un rendu sonore proche d’une gameboy. Et c’est là tout l’intérêt, nous trouvons une évolution maîtrisée dans l’enchaînement de l’album, jonglant entre ancien et moderne, avec des styles musicaux connus ou non du public.
Pour finir, l’apothéose se déroulera durant la reprise d’un Chopin, où nous imaginons alors les plus grands compositeurs de musique classique sur nos machines actuelles.

En conclusion, nous pourrions jeter cet album dans le trou sans fond qu’est l’Intelligent Dance Music (IDM). Mais, le pari réussi de Disasterpeace, celui de mixer l’évolution des OST de jeux videos avec celle de la musique électronique, nous offre ce petit bijou.
Nous vous recommandons donc chaudement de porter une attention particulière à cette bande son tout en jouant.

Joan C. Ugutz

Vous trouverez ci dessous un stream complet de l’album sur Youtube et ici les morceaux séparés sur Bandcamp.