C’est dans leur charmant appartement du VIeme arrondissement que Jérôme et Dounia les créateurs de l’agence d’évènementiel Vertikal m’ont reçu avec beaucoup de sympathie et gentillesse. L’occasion pour eux d’évoquer leurs futurs projets ainsi que leur capacité à gérer leur vie familiale et professionnelle. Il est 20h quand j’arrive et Dounia est en train de donner à manger à leur adorable petite fille Charlie de 15 mois. Une rencontre illustrée par quelques disques que j’ai pu avoir la chance d’écouter tout au long de cette soirée.
Jérôme, Dounia tout d’abord un grand merci de me recevoir dans de telles conditions…
Racontez-nous votre première rencontre, vos premiers moments ?
Jérôme : Nous nous sommes rencontrés en 2001. J’étais Dj, elle était serveuse, c’était au Wax à Bastille. Les premiers moments ont été, pour moi en tout cas, très forts, je savais que c’était la femme de ma vie, elle non (rires), elle ne m’a pas trop calculé a vrai dire. Puis je l’ai eu à l’usure [rires]. Depuis nous sommes toujours ensemble, mariés, et parents depuis 15 mois d’une petite fille.
Dounia : Je faisais un extra en tant que serveuse. Je sortais beaucoup à l’époque car je travaillais la nuit, il s’était renseigné sur moi via une amie en commun puis du coup je le trouvais à chaque endroit ou je me trouvais… C’est vrai qu’il m’a eu à l’usure [rires], j’ai craqué et ça va faire 13 ans cette année, c’était notre destin !
Et en tant que partenaires ?
Dounia : Quelque part on a toujours été partenaires, partageant tous les deux la même passion pour la musique c’était un peu comme une évidence, nos premières soirées ont eu lieu à la Scène Bastille, devenu le Badaboum aujourd’hui. Avant nos organisations étaient beaucoup plus « freestyle ». Aujourd’hui on sait ce qu’on veut. On apprend de nos erreurs comme on dit, donc nos projets actuels sont beaucoup plus réfléchis. Du coup, on en devient beaucoup plus exigeant avec les personnes qui nous entourent.
Jérôme : C’est surtout ce lieu de la Scène Bastille qui nous avait immédiatement séduit. A l’époque, ils ne faisaient que des concerts pratiquement. Nous avons eu l’idée de lancer la partie Club, c’était en 2002. C’était une époque où je tournais beaucoup, je sortais d’une résidence au Concorde Atlantique pour les Terrassa, et j’enchainais les dates. J’ai pris la DA de la Scène Bastille pendant 8 mois, en lançant des soirées comme Open House, Respect, les soirées Nova, et nos premières soirées en tant que promoteur, SUBWAY, avec des invités comme Dixon, Dj Rasoul, Ata.
Au-delà du fait de gérer une agence d’évènementielle musicale, vous avez tous les deux des jobs qui vous prennent beaucoup de temps. Comment arrivez-vous aujourd’hui à vous organiser pour maintenir un équilibre familial dans un environnement qui ne le favorise pas toujours ?
Jérôme : C’est vrai que ce n’est pas toujours évident, je bosse pour une start-up qui est présente dans 45 pays, dans un environnement de stress permanent et Dounia dans la mode. Mais l’équilibre de ma famille est primordial pour moi. Le soir j’aime voir ma fille, lui donner le bain, ou à manger, passer du temps avec elle et ma femme. J’ai besoin de cet équilibre pour avancer. Je ne me vois pas tous les soirs dehors à boire des coups, et écumer toutes les soirées.
Dounia : On a tous les 2 des jobs qui nous prennent pas mal de temps avec de gros objectifs. On gère donc Vertikal durant notre temps libre, le soir, les week-ends… une vie à 100 à l’heure mais on aime ça et on ne compte pas les heures de travail. J’aime le fait d’avoir plusieurs étiquettes, Mère de famille – Promoteur – Responsable, ça crée mon équilibre et mon épanouissement. En même temps, je pense que ça reflète bien notre société d’aujourd’hui, être performant, polyvalent, qui de nos jours se contente d’un seul job, c’est rare non ?
Totalement d’accord, justement quels conseils donneriez-vous aux plus jeunes qui sont attirés par le genre d’aventure que vous vivez ?
Jérôme : Etre intègre, créatif, et suivre leur instinct. Aujourd’hui il y a plus de fêtes qu’il y a 5 ans. Il y de bons collectifs, de nouveaux labels et promoteurs, il y de l’ébullition, et c’est bien. Ce qui est important quand tu organises des fêtes, c’est, pour moi en tout cas, outre la musique et le lieu, de bien accueillir les gens. Etre cool ne suffit plus, les fêtards sont devenus très exigeants. Il faut garder les pieds sur terre, ce que nous faisons avec nos soirées ou en tant que Dj, c’est du loisir, les gens viennent faire la fête ; mais après la fête, la vie normale reprend.
Dounia : Je leur conseillerai d’être méfiant et de ne pas s’emballer trop vite. Autrement, qu’ils n’hésitent pas à se lancer il y a de la place pour tout le monde, surtout en ce moment ou Paris règne, après Berlin peut être. On y voit pas mal de projets grandissants, de belles fêtes, des nouveaux lieux. C’est très satisfaisant de voir comment Paris a évolué ses cinq dernières années. On y voit des projets arty ou même le retour des raves. On aime également voir le retour des « parrains » de la house, comme Kerry Chandler ou Jovonn’ jouer devant un jeune public.
Est-ce que le lancement d’un projet comme Vertikal s’est fait de manière assez naturelle et rapide ou c’est quelque chose qui vous a toujours fait envie ?
Dounia : Cela s’est fait d’une manière très naturelle, tu m’aurais parlé de Vertikal il y a quelques mois ce n’était pas du tout à l’ordre du jour. Vertikal a vu le jour en septembre 2013 avec nos premières soirées à Nuba, puis Badaboum et le Rex en mai. Aujourd’hui, en terme d’organisation, nous ne sommes pas à notre premier coup d’essai. Vertikal a été mûrement réfléchi avant sa création. On est très exigeant sur nos collaborations, on sait ce que l’on ne veut pas. Au-delà de la musique, on travaille sur des projets innovants avec des artistes talentueux comme Cléophée Moser et Jeff Jones, ou même le collectif La Fumée. Ces artistes nous offrent une scénographie élaborée spécialement pour Vertikal avec un visuel mêlant différents mouvements artistiques, le tout orchestré en live et adapté aux sonorités de nos invités, d’où un travail considérable au préalable. On est tellement fier d’eux ! Vertikal reflète pour nous une sensibilité artistique avant tout.
Jérôme : On l’a toujours fait finalement, depuis plus de 10 ans, sous divers noms, Subway à la Scene Bastille, P.O.S.T (Please Other Sound Therapy) au Triptyque (Social Club), à l’OPA… Mais de façon plus clandestine (rires), on était plus jeune, on le faisait de manière artisanale. Surtout, nous avons toujours fait nos soirées ensembles. Vertikal c’est un projet qui est murement réfléchi et plus professionnel. Au départ Vertikal est né d’une collaboration à 3. Mais après 4 soirées nous avons pris la décision de continuer Dounia et moi.
Jérôme en tant que DA du collectif tu as monté des plateaux avec des noms comme Jovonn, Dj sprinkles, Smallpeople ou encore Claro Intelecto ce dimanche au Badaboum qui sont des artistes très talentueux mais dont les passages et la renommée ne sont pas une garantie ultime de succès à Paris.
Est-ce que tu es poussé par une idéologie musicale ou est-ce que tu agis plus simplement à l’instinct ?
Jérome : Les deux [rires]. L’idéologie musicale est importante pour ne pas te perdre dans le style que tu recherches, mais l’instinct l’est tout autant, car le choix de l’artiste passe aussi par l’instinct.
Chaque soirée est différente, le plateau est bien sûr important, mais pas seulement. Il y a un vrai défi à faire jouer des artistes un peu « shadow » comme Sprinkles par exemple, qui ne joue jamais en Europe. Pour la soirée du 20 avril, un dimanche, je voulais un plateau plus freaky, plus subtil. Claro Intelecto, ça fait longtemps que je le suis, je suis un fan incontesté, depuis le début sur Modern Love. La difficulté a été de trouver le reste du line up. Qui pourrait jouer avec lui ? Cette question n’est pas resté en suspend très longtemps, Didier Allyne. Pour moi c’était évident que ce soit lui en 2e nom. Il a un background impressionnant. Pour les accompagner, Acid Wolf Band était sur ma liste depuis un moment, son label Taapion est vraiment génial. Il fait partie de la nouvelle garde qu’il faut suivre. Deux tauliers, un challenger et un résident, c’est une formule qui fonctionne bien. Au delà de la musique, le visuel fait partie intégrante de nos soirées. C’est bien d’apporter du contenu, on aime qu’il y ait un univers « Vertikal ».
Justement tu mixes la plupart du temps dans tes soirées sous le pseudo Refound. Est-ce que tu ressens une pression plus forte le sentiment de devoir encore plus assurer ton set lorsque tu es l’organisateur de ce genre d’événement ?
Jérôme : Oui bien sûr, j’ai toujours une pression quand je joue, que ce soit dans nos soirées ou autre. Ce que j’aime c’est me sentir à l’aise, sur scène, avec mes invités, qu’ils soient eux aussi en confiance. C’est vraiment deux métiers différents. Dj c’est ce que je fais depuis plus de 10 ans. Promoteur je le fais aussi depuis pas mal d’années, mais comme je te disais c’était de l’artisanat [rires], aujourd’hui beaucoup de gens me voient uniquement en tant qu’organisateur de soirée, je suis flatté c’est évident, mais mon métier c’est dj, produire de la musique etc… Mais j’aime bien l’idée d’avoir plusieurs cordes à mon arc.
Toi Dounia, qui a un avis extérieur, est ce que tu peux sentir cette différence ?
Dounia : J’ai une entière confiance en Jérôme musicalement, c’est une personne qui sait s’adapter aux artistes qui l’entourent. Il a beaucoup joué avec de grosses têtes d’affiches et a une maturité certaine lors de ses sets. Alors bien sûr, ça ne m’empêche pas d’avoir la boule au ventre avant son passage sur scène. Maintenant, je ne pense pas qu’il y ait une différence ou une pression supplémentaire lorsqu’il joue pour Vertikal. La seule différence qu’il peut y avoir c’est qu’il est « maître » de son plateau en tant que promoteur et DA de Vertikal et prend peut-être plus de plaisir à jouer auprès des artistes qu’il affectionne.
Jérôme,tu as une collection assez impressionnante de vinyles, tu mixes, je viens d’entendre quelques-unes des tes productions et tu organises des évènements… Il te reste encore un domaine où tu n’as pas mis les pieds si tu vois de quoi je veux parler…
Jerome : Je vois, je vois, tu parles d’un label je suppose ?
Exactement…
Jerome : Ecoutes un label est justement en préparation, il verra le jour à la rentrée je pense. C’est une suite logique dans la création musicale. Que tu organises, mixes, ou composes, tu as envie de monter ta propre structure, signer qui tu veux, avoir des coups de cœur, faire des ré-édits etc….
Maintenant je fais attention, je sais que le marché du disque est en décroissance, que je ne vendrais pas 1000 copies d’un maxi (même si je l’espère). Mais j’accepte cette mission [rires].
Dounia, parlons un peu de projection. Où est-ce que vous vous voyez tous les deux dans 10 ans ? Est-ce que tu te vois prendre une place plus importante dans le choix de soirées avec peut-être une programmation un peu différente, un public différent peut-être plus expérimenté, moins jeune ?
Dounia : Dans 10 ans ? Aucune idée, comme je te dis je marche à l’instinct donc je ne peux pas me prononcer sur mon avenir d’autant plus que ça m’angoisse rien que d’y penser. Pour le moment on vit l’instant présent, on peut te parler de nos projets pour les mois à venir avec notamment une date au Rex le 15 mai avec Anthony Naples / Shlomo / SEML et pourquoi pas une résidence en devenir. Sinon toujours notre résidence à Badaboum.
En terme de programmation, nous avons des influences assez différentes avec Jérôme, ce qui crée notre complémentarité. Moi, j’ai plus un univers rock/indus/goth alors pourquoi pas une organisation à venir qui me ressemble avec un live electro/rock suivi de Dj aux sonorités plus coldwave, de la musique sombre, lente, sexy avec beaucoup de synthés, tout ce que j’aime.
Encore un grand merci à vous deux pour votre accueil, on vous souhaite le meilleur.
Retrouvez Jérôme et Dounia ce dimanche 20 avril au Badaboum pour une soirée exceptionnelle en compagnie de Claro Intelecto, Didier Allyne et Acid Wolf Band.
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