Tony Scott plus connu sous le pseudonyme Edit Select a vécu un gros début d’année 2014 avec « Phlox », un album sorti chez Prologue qui l’a vu explorer avec succès de nouveaux territoires.
« Je suppose que c’est un peu l’année de mon comeback, j’avais l’intention de faire cet album aussi classique que possible dans le cas où j’aurais dû me trouver un job. Je suis vraiment heureux de l’accueil qui lui est fait, cela en vaut toutes les peines. En ce qui concerne les nouvelles directions sonores, je m’ouvre à tous les genres que j’apprécie et j’essaie de ne pas me limiter. »
Dino Sabatini a aussi sorti un LP sur Prologue en 2012, « Shaman’s Paths », un album noir et complexe de techno moderne. Prologue était un choix assez évident pour ces deux artistes ; le label munichois s’étant imposé ces dernières années comme l’une des sources de qualité lorsqu’il s’agit de musique sombre et profonde. Logique aussi que ces deux se soient tout de suite entendus : ils admettent d’ailleurs au sujet de leurs styles avoir « quelque chose en commun ».
Albums Prologue Phlox Shaman's Path
« J’ai rencontré Dino à Paris et nous sommes devenus amis. On a décidé de faire de la musique et cela a donné de très bons résultats. Dino est d’un autre niveau, peut-être trop intelligent avec ses idées. Je suis le sensible qui reste fidèle au ‘less is more’, et je le laisse la plupart du temps se focaliser sur les filtres, le rythme, etc… »
Suivant une première collaboration sur « Phlox », « Mnemosyne » voit l’aube d’un projet qui commence avec une série d’EPs. « J’ai commencé à travailler avec Tony pendant la préparation de son album, j’avais tout juste développé un Reaktor Ensemble, une sorte de séquenceur qui contrôle un sampler chargé de samples de cloches tibétaines, et d’un dub delay qui fait ressortir différentes harmonies. Avec ça on a commencé à travailler sur des morceaux. »
Outis005 Digital Artwork
C’es à l’occasion de cette sortie sur Outis Music, le label de Dino Sabatini inspir(ant)é de la mythologie, que nous avons réussi à échanger quelques mots avec ces deux musiciens respectés, admirés, et indéniablement sans-compromis.

J’ai pu lire qu’au-delà de tout, Tony aime tenir les gens dans la « paume de sa main», alors que Dino se réfère souvent à l’idée de shamanisme. Avez-vous parfois l’impression d’être des prêtres d’une nouvelle ère ? Que pour certains vous faites quelque chose de nécessaire, que d’une certaine façon vous les sauvez ?

Edit Select : Je pense que oui. À chaque fois que je joue j’ai toujours les mêmes réactions : « Nous n’avons jamais entendu ce style auparavant ! » Pour moi tout est dans le flot et les couches, garder le groove et ajouter des niveaux par-dessus, en particulier avec le DJing. Comme j’utilise quatre « channels », il est facile de transformer un morceau de « warm up » en un « killer » pour le dancefloor avec différentes bases, hats, etc. ajoutés.

Dino Sabatini : Je crois que la musique est un outil génial pour une « connexion d’ensemble ». C’est un concept abstrait qui est capable de regrouper presque physiquement de larges groupes de gens. Certains types de musiques, la plupart du temps avec un rythme obsessif, sont utilisés par des sorciers pour créer un pont entre la vie et l’au-delà. Nous sommes juste DJs, nous ne sommes pas des prêtres, mais nous avons le pouvoir de toucher intimement et émotionnellement les gens, et ceci bien entendu fait du DJ un vrai shaman.

Les foules en clubs peuvent-être fascinantes, lorsqu’elles dansent, interagissent, et deviennent pratiquement une entité unique. Quelles sont les plus sensibles que vous ayez connues ? Souvenez-vous d’occurrences où vous avez ressenti que vous aviez réussi à presque posséder les gens ?

E.S : J’ai eu des expériences au Japon et à Zurich où des gens se sont évanouis devant moi. Je savais que cela allait se produire car je jouais de la musique vraiment malade, et je pouvais voir arriver l’inévitable, ces soirs là j’étais moi-même content de ne m’être pas adonné à quelque chose.

D.S : La dernière fois était définitivement au Berghain. La seule chose dont je me souviens, c’est que je ressemblais à un pilote de vaisseau spatial, et que je suis rentré dans la peau de James Tiberius Kirk (ndlr : Star Trek). Ce que j’ai pu voir du panneau de contrôle était fantastique, un peu comme des voyages sidéraux imprimés sur les visages des gens…

Est-ce la raison pour laquelle vous faites autant attention aux atmosphères et ambiances, ce pourquoi vous créez une musique hypnotique ?

E.S : De mon point de vue c’est le plus beau et aussi le plus sombre son de la techno, dépourvu des bouts un peu grumeleux que les autres genres peuvent avoir. C’est impossible pour moi de faire autre chose car mon cœur n’y est pas.

D.S : Je fais ce genre de musique car c’est ce que je ressens et que c’est la même chose depuis très longtemps. En 2006 lorsque j’ai sorti l’EP Paper Toys, personne ne pensait de cette manière. À l’époque tout le travail que nous développions sur les ambiances et atmosphères était considéré comme ennuyeux. Il semble qu’aujourd’hui la raison soit de notre côté 😉

Comment travaillez-vous ? Avez-vous établi des règles ?

E.S : Nous avons le même point d’intérêt, aucun élément ne doit en bloquer un autre. Par exemple : les rythmes et sons doivent jaillir et ne pas interférer entre eux, je déteste le gratuit…

D.S : Pas de règle. Nous nous sommes rencontrés et avons commencé à faire de la musique. Les idées nous viennent comme une avalanche et nous continuons à travailler ensemble.

Vous avez prévu de sortir plus de morceaux sur Outis Music et Edit-Select Recordings. Pensez-vous commencer quelque chose comme Modern Heads ? Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

E.S : Honnêtement, nous allions faire un album mais nous avons depuis séparé les morceaux pour nos labels. Mais j’adorerais faire un projet comme celui-ci avec Dino, et je pense lui-aussi. C’est donc possible.

D.S : Nous créons trop de morceaux, il y a juste quelques jours j’ai fait un remix pour Teste (prochain projet sur Edit-Select, avant un chez Motoguzzi). En ce qui concerne Modern Heads, une sortie est prête pour septembre. De mon côté en solo, je travaille dur sur mon nouvel album qui sortira en janvier 2015 sur Outis… S’il-vous-plaît, ne vous attendez pas à un album de musique techno.

Vous avez mentionné tous les deux auparavant le contrôle complet que vous recherchiez lors de la création de vos propres labels. Quel est le plus gros coût pour votre liberté créative ?

E.S : C’est de ne pas faire partie d’une énorme organisation comme CLR, Drumcode, ou autres… Si l’on sort un album avec de tels labels, on a virtuellement un calendrier rempli de dates pour un bon moment grâce à la popularité de l’organisation, et pas nécessairement de votre musique. Je ne veux surtout pas être irrespectueux, mais c’est comme ça. Avoir la liberté de faire votre propre musique sans restriction hormis vos propres standards est très satisfaisant. Bien que ce soit un labeur d’amour, je ne le ferais à aucun prix d’une autre façon.

D.S : C’est une bonne question, en même temps je pourrais répondre en prenant en compte ma vie entière, car la musique a été mon travail et ma vie pendant environ vingt années, et je ne veux pas dire par là juste DJ.
Une des questions que je me pose toujours est : « Pourquoi tu le fais ? » Bien entendu je le fais parce que c’est ma passion et je veux laisser libre cours à ma créativité. Le coût est extrêmement élevé, vous pouvez me croire.

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Dino Sabatini & Edit Select
Mnemosyne [Outis Music]
12″ – Digital Download
www.outis-music.com

Tony Scott aka Edit Select had a strong start to 2014 with “Phlox”, an amazing LP released on Prologue, which saw him successfully exploring new soundscapes.
“I suppose in a way it is my comeback year, as I was intent on making this album as classic as possible in case I had to go get a job. I am really pleased with the response from everyone and it makes it all worthwhile. As for new direction in sound, I am opening up to all genres that I enjoy and I am trying not to pigeonhole myself too much.”
Dino Sabatini also released an LP on Prologue in 2012, “Shaman’s Paths”, a challenging album of modern techno. Prologue was a pretty obvious home for these two; in terms of quality, the Munich label has been one of the most consistent sources of deep and dark techno in the past few years. It was also quite logical that these two would click as soon as they met as they admit their styles “have something in common.”
Albums Prologue Phlox Shaman's Path
“Dino and I met in Paris and immediately became friends, we talked about doing music together and it happened with great results. Dino is on another level, maybe too clever with his ideas; I am the sensible one who sticks to ‘less is more’, and I leave him to focus on the filtering, rhythm etc, most of the time.”
Following a first collaborative effort on “Phlox”, “Mnemosyne” is the dawn of a musical project which begins with a series of EPs that they are producing and releasing together.
“I started working with Tony during the preparation of his album, I had just developed a Reaktor Ensemble, a sequencer that manages a sampler loaded with Tibetan bells samples and a dub delay in insert which brings out different harmonics. With this we started working on some tracks.”
Outis005 Digital Artwork
It was just after their release of “Mnemosyne” on Outis music, Dino Sabatini’s mythology inspir(ing)ed label that we managed to exchange some words with these two respected, admired, and uncompromising musicians.

I have read that, more than anything, Tony enjoys having people ‘in the palm of his hand’, while Dino connects strongly with the idea of shamanism. Do you sometimes feel you are priests of a new era? That what you are doing is necessary for some people, almost like you are saving them.

Edit Select: I think so. After I play I always get the same response like: “we have never heard this style before.” For me it is all about the flow and layers, keeping the groove going and layering on top, especially with DJing. As I use 4 channels it easily transforms warm up tracks into dance floor killers with different baselines, hats, etc added.

Dino Sabatini: I believe that music is a great tool for global connectivity. That is to say music is an abstract concept that is able to almost physically merge large groups of people. Particular types of music, mostly with obsessive rhythms, are still used by some sorcerers to create a bridge between life and the afterlife. We are just DJs, we are not like priests but we have the ability to touch the deepest part and emotions of people, and this of course makes a DJ a true Shaman.

Crowds in clubs can be fascinating, when they dance, connect and become a single entity. What are the most responsive crowds you have experienced? Do you remember some occurrences where you felt as if you had managed to possess people?

E.S: I’ve had some crazy experiences where people in Japan and Zurich have collapsed in front of me, I knew it was going to happen as I was playing music way out there and could see the inevitable, even for myself I was happy I never indulged in anything those evenings.

D.S: The last time was definitely at Berghain. The only thing I remember is that I looked like a spaceship pilot and I entered the part of James Tiberius Kirk (Star Trek). What I saw from the navigation bridge was amazing – like global travels imprinted on people’s faces…

Is this why you pay such a close attention to moods and atmospheres, why you create hypnotic music?

E.S: I think it’s the most beautiful and also dark sound in Techno, without the lumpy bits that other techno genres have. Also it’s impossible for me to do anything else as my heart is not in it.

D.S: I’m doing this kind of music because this is my feeling and has been the same for a long time. In 2006, when I made the Paper Toys EP nobody thought this way. At that time all the work we had developed on moods and atmospheres was considered boring. Today it seems that reason is on our side 😉

How do you work together? Did you set some rules?

E.S: We both have the same focus, no part should block another, i.e. rhythms and sounds should flow with each other and not interfere, I hate random…

D.S: No, no rules.  We met and we started making music. The ideas are coming like an avalanche and we will continue working together as we are already doing.

You are planning to release more tracks together on Outis Music and Edit-Select Recordings. Are you also planning on starting something like Modern Heads? Are you working on something at the moment?

E.S: We were going to make an album but we have since separated the tracks for Outis and Edit Select, but sure I would love to do a project like that with Dino. I think we both would, so it’s possible.

D.S: We are doing too many tracks, just some days ago I did a remix for Teste (next project on Edit-Select, next is for Motoguzzi). About Modern Heads, I have already sent to vinyl cut the masters, release is for September. About my solo project, I’m working hard on my new album which will be released in January 2015 on Outis… Please, do not expect an album of techno music.

You both mentioned in interviews the complete control that you were looking for when creating your own labels. What is the biggest cost of creative freedom?

E.S: The biggest cost is not being part of a huge organisation like CLR-Drumcode or whatever, where if you put an album out with labels like this you are virtually set up gig wise for a long time because of the popularity of the organisation, but not necessarily your music. I don’t mean that disrespectfully but it is what it is, having freedom to make your own music with no restrictions apart from your own standards is very satisfying. Although it is a labour of love, I wouldn’t have it any other way.

D.S: This is a good question, at the same time I could answer with regard to my entire life because music has been my work and my life for about 20 years, and with music I do not mean just DJing.
One of the questions that I always ask to myself is: “why you do it?” Of course, I do it because of simple passion and to give vent to my creativity, and the cost of this is very high, believe me.

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Dino Sabatini & Edit Select
Mnemosyne [Outis Music]
12″ – Digital Download
www.outis-music.com                                                                                           Christophe