Dans la foule de DJs et compositeurs exilés à Berlin, Ed Davenport fait sans aucun doute partie des plus talentueux. Doucement mais sûrement, le Britannique a émergé comme l’un des producteurs qui comptent, avec une production régulière de très bons EPs et l’excellent album Counterchange sorti en 2012 chez NRK. Très actif, il officie depuis peu sous l’alias Inland et a récemment créé son propre label Counterchange Recordings. Ces différents projets montrent sa pluralité et son attachement à une musique de qualité.
Alors qu’il est un habitué des plus grands clubs de la planète, il continue cependant inlassablement à produire et il est à l’origine de l’un des projets musicaux les plus excitants du moment : une collaboration avec le légendaire Function, qui vient d’accoucher d’un superbe maxi marquant la réactivation d’Infrastructure New York.
Tu viens de jouer pour la première fois au Japon, as-tu été surpris par quelque chose en particulier dans la culture club ?
Je viens de revenir du Japon et de Korée. C’était un voyage fantastique mais trop court ! Je ne suis pas certain, au premier coup d’oeil œil, d’avoir remarqué quelque chose de vraiment différent dans les clubs ; l’expérience à Tokyo et Séoul a été assez similaire de celle trouvée en Europe… Mais bien entendu chacune a son truc spécial. Le Module à Tokyo se situe dans une cave bien en-dessous de bureaux dans Shibuya, avec des restaurants, des magasins partout. Il y avait même un stand de paninis qui offrait des snacks à l’intérieur du club et qui était ouvert toute la nuit ! À Séoul j’ai joué dans un tout nouveau club (le Vurt) dont je suis le premier invité international, donc c’était un peu comme être un pionnier dans un sens. La techno n’est pas si populaire à Séoul, et il s’y trouve une équipe géniale de passionnés qui tentent de construire quelque chose pour la prochaine génération.
Tu viens de sortir Counter 005 sur ton propre label Counterchange Recordings en tant qu’Ed Davenport. Cela faisait un moment depuis tes dernières sorties en tant qu’Ed, mais il semble que tu as recommencé à utiliser ton nom en 2014, alors qu’auparavant tu semblais te focaliser sur ton projet Inland. Je me trompe peut-être, mais avais-tu atteint quelque chose avec ton album Counterchange ? Est-ce qu’Inland était une nécessité pour te permettre d’explorer de nouveaux territoires ? Comment vois-tu ces deux identités ?
C’est depuis 2006 que je sors de la musique sous mon propre nom, donc j’ai été heureux des opportunités et de la liberté que le projet Inland a permis. Mais en même temps, je suis qui je suis, et même si je lutte parfois avec l’idée de mettre mon nom sur ma musique et la sortir aux yeux du monde, j’ai été très occupé en studio cette année, et je voulais simplement partager une partie de tout cela ! Ce que je produis avec Inland est typiquement de la techno classique qui va droit au but, « puriste » si on veut. Ma musique en tant qu’« Ed Davenport » a commencé avec la house et la dub, elle pourrait être décrite comme plus joueuse, plus versatile. J’ai tendance à utiliser beaucoup de samples dans les morceaux Davenport (certains bien cachés, d’autres non…), et je dirais que cette production a toujours été en lien avec mon amour pour la house, la dub, la disco, le Broken Beat, et beaucoup d’autres styles sans oublier la techno bien entendu. Je ne sais pas comment cela est perçu par ceux qui écoutent, mais rétrospectivement je dirais que la musique sortie en tant qu’Ed est simplement une réflexion correspondant à où je me trouve en tant que producteur en ce moment. Je ne veux pas trop sortir de musique, mais je veux que ce soit varié et stimulant.
Tu as souvent mentionné l’idée de nécessité dans différentes interviews, la nécessité d’avoir ton propre label, la nécessité de créer de la musique. Comment cela se manifeste dans ta vie de tous les jours ? De quelle façon composes-tu et est-ce que cela a beaucoup changé ces dernières années ?
La plupart des idées arrivent hors du studio. Quand je m’y trouve, en particulier si c’est tard le soir, j’aime « jammer » et laisser les choses suivre leur cours, j’enregistre beaucoup et souvent lorsque je voyage ou que j’ai un moment calme chez moi, j’y reviens et je m’engage dans un processus d’édition. Ces temps-ci je travaille jusqu’à dix morceaux en même temps. Beaucoup ne vont pas arriver jusqu’à une release, mais ils sont tous essentiels dans mon apprentissage de musicien et producteur. Les réarranger, y réfléchir, les éditer et essayer de nouveaux morceaux dans mes sets, tout cela est une partie essentielle. Parfois je ne peux pas dire si j’aime vraiment quelque chose avant d’avoir attendu un certain temps, et ensuite je peux commencer à être objectif et décider si c’est quelque chose qui me correspond ou pas.
Tu as commencé à travailler avec Function sur le label Infrastructure New York, et la genèse de ce projet est assez bien documentée, mais comment travaillez-vous ensemble ? Comment penses-tu que vous vous influencez ?
Beaucoup de réflexion et de discussion sont impliquées. Nous nous entendons très bien et nous aimons partager des histoires et des idées… Parfois il est donc compliqué pour nous de déterminer le travail à faire. Il y a tellement de choses en ce moment, et nous nous ajustons au job de diriger un label dont le but est de sortir un disque par mois, et de continuer à tenir nos engagements séparés. En général nous allons passer deux jours ou deux nuits par semaine en studio, et les choses se matérialisent normalement à travers ces longues heures et une bonne ambiance !
Nous avons un jour parlé de la nécessité de ne pas se retrouver noyé par les dates et les tournées, ce que peuvent parfois vivre les DJs. Comment arrives-tu à garder un certain équilibre ? Quelle est ta vision du DJ ?
J’adore mixer et cela me donne de l’énergie et de la motivation pour continuer à créer de la musique club. C’est aussi un ingrédient essentiel de la vie du producteur. J’essaie de faire une musique qui sonne bien (et qui est un challenge) sur un « soundsystem » de club. Rien que cela est un art, et chaque set que je joue, et en particulier les plus longs ; je comprends un peu mieux le monde bizarre du son et de l’acoutisque. Après les dates les plus intéressantes que je joue et où je vais ressentir : « Ouais je fais ça pour de vrai, je montre aux gens une partie de moi-même et ma passion en les faisant danser » ; je vais en général revenir à Berlin et expulser ces sentiments en studio. C’est donc vraiment excitant car malgré la grosse charge de travail à l’heure actuelle, je suis plus inspiré et je ressens que je m’approche du musicien que j’aspire à être.
Tu travailles sur quoi en ce moment ? Que pouvons-nous attendre d’Ed Davenport et Inland ?
J’ai beaucoup de nouveaux morceaux qui sont prêts à 95%, donc je prends mon temps et j’essaye de définir ce que je vais faire avec eux l’année prochaine. Je travaille doucement sur un album d’Inland que j’espère finaliser pour l’été 2015, et qui coïncidera aussi avec plus de performances en live. Il va y avoir plus d’Inland et Function chez Infrastructure, et quelques remixes sur d’autres labels, ce qui sera une première. Counterchange va avoir pas mal de super sorties en début d’année prochaine aussi, et je planifie aussi d’étendre le format et le concept avec des sorties sur le sub-label No Counter, dont la direction et le concept musical doivent être complètement définis. C’est une période passionnante que je vis et je sens aussi le besoin de sortir une musique agréable à écouter qui sort du contexte en club.
Retrouvez Ed Davenport sur Facebook & Soundcloud, et à Nantes le vendredi 10 octobre pour les 6 ans d’Input Selector au Co2.
Crédit photo : Carina Wittmann
Ed Davenport – ‘Counter 005’ EP
Counterchange Recordings
Sortie le 29 septembre 2014
Format: 12″
Cat. #: COUNTER005
Among the many DJs and producers that made the move to Berlin, Ed Davenport is probably one of the most talented. Slowly but surely he emerged as a respected producer thanks to a steady stream of high quality EPs and his excellent album Counterchange released on NRK in 2012. Recently quite active under the alias Inland, he also launched his own label Counterchange Recordings last year. While he is now quite busy touring in the world, he continues to tirelessly write music and hone his sound trying to become a better musician. And he’s been responsible of one of the most exciting project of the year, a collaboration with Function which marked the reactivation of Infrastructure New York.
So how is it in Japan at the moment? Anything strikingly different in the club culture there that you didn’t expect?
– I just got back from Japan and Korea – it was an amazing trip but too short! I’m not sure I could spot instant differences in the club culture, both club experiences I had in Tokyo and Seoul were quite similar to those found in Europe… but of course each had their own special twist. Module in Tokyo was situated in a basement deep beneath a Shibuya office block, with fast food places, shops and restaurants all around. So you’ve got an underground music club right in the middle of one of the busiest districts of the city. There was even a spicy panini stand offering snacks inside the club and open all night! In Seoul the club I played at (Vurt) was brand new and I was the first ever international guest, so it felt like breaking new ground in a way. Techno isn’t so popular in Seoul and there’s a great dedicated team there trying to build something for the next generation.
You just released Counter 005 on your own label Counterchange as Ed Davenport. It had been a while since your last ‘Ed Davenport’ releases but you have started to use that name again in 2014, and it seems you were focusing mostly before on your Inland project. Maybe I am wrong but it feels like you had reached something with your LP Counterchange. Did you need to start with something fresh and allow yourself to explore new territories with Inland? How do you see these two identities?
– I’ve been releasing music under my own name since 2006 so I was glad of the opportunities and freedoms the Inland project allowed. That said, I am who I am, and although I sometimes struggle with putting my name on my music, releasing it to the world, I’ve been very busy in the studio this year and I simply wanted to get some of that music out there! My Inland material is typically quite classic, no-nonsense techno – ‘purist’ if you like. My music as ‘Ed Davenport’ began with dub and house and could be described as more playful, more changeable. I tend to use quite a lot of samples in the Davenport tracks (some well disguised, some not…) and I would say that this material always references my love for House, Dub, Disco, Broken Beats and many other styles, not forgetting Techno of course. I don’t know if that’s how it comes across to listeners, but looking back now I’d say that the music I release as ‘Ed’ is simply a straight up reflection of where I am as a producer right now. I don’t want to release too much, but I do want it to be diverse and always challenging.
You have often mentioned necessities in different interviews, the necessity to have your own label, the necessity to make music. How does it manifest itself in your daily life, how do you write music at the moment and has it changed a lot in the past years?
– Most ideas come to me outside of the studio. When I’m there, especially late at night, I like to jam and just let things run, I record a lot of audio and then often when I’m traveling or have a quiet moment at home I’ll bring things up again and begin the editing process. These days I’m normally working on up to 10 tracks at a time. A lot don’t make it to release, but they are all essential to my learning as a musician and producer. So reviewing and reflecting, editing and trying new tracks out in my sets is all an essential part of the process. Sometimes I can’t tell if I really like something until it ages a bit, and then I can begin to be objective and decide if it’s something that’s really me or not.
How you started to work with Function on Infrastructure New York is well documented, but how do you guys work together? How do you think you have been influencing each others?
– There’s a lot of discussion and reflection involved. Dave and I get on really well and we just enjoy sharing stories and ideas… so sometimes it can be hard for us to pin down exactly what the job in hand is. There is so much going on at the moment, and we’re both adjusting to running a label in which our goal is to put out a record every month – throw things up on the wall as Dave says – while still keeping hold on our separate commitments. We’ll typically spend 2 days or nights a week in the studio together, and things normally kind of materialise through long hours and good vibes!
We talked once about the necessity to not get caught in the extreme busy touring DJs sometimes have so you can take time to write music. How do you manage to keep a balance? How do you see and approach DJing?
– I love DJing and it gives me so much energy and motivation to keep making club music. It’s also an essential ingredient to the life of a producer. I’m trying to make music that sounds great – and also challenging – on big club systems. That itself is an art, and with every DJ set I play, particularly the longer ones, I understand this bizarre world of sound and acoustics a bit better. After the most exciting gigs I play, where I feel like, « yeah – I’m really doing this – I’m showing people my true self and my passion, and making them dance », I’ll typically come back to Berlin and just pour out those feelings in the studio. So it’s really exciting because despite the heavier workload these days I’m more inspired and feel like I’m getting closer to the musician I want to be.
What are you working on at the moment? What’s next for Ed Davenport/Inland?
– I’ve got a lot of new tracks that are 95% there so I’m taking my time and figuring out what to do with them for next year. I’ve been slowly working on an Inland LP so I hope I can get that finalised for Summer 2015, which will also coincide with more Live performances. There will be more Function/Inland material on Infrastructure, plus some remixes for other labels which will be a first. Counterchange will have a few great new releases early next year too, and I plan to expand on the format and concept with more releases on the No Counter sub-label too, where the direction and musical manifesto is yet to be locked down – that’s exciting for me and I feel the need to put out some really nice listening music, very much outside of the club context or framework.
Ed Davenport on Facebook & Soundcloud
Picture credit – Carina Wittmann
Ed Davenport – ‘Counter 005’ EP
Counterchange Recordings
September 29 2014
Format: 12″
Cat. #: COUNTER005