Le new-yorkais Robert Hampton aka Dj Spider nous a fait le plaisir d’une entrevue à l’occasion de son passage à Rouen, invité par le collectif Brimfool. Depuis quelques années Spider est impliqué dans la production et l’enregistrement d’une multitude de projets, sous une multitude de facettes. Des pulsions créatives insatiables aux influences multiples l’imposent comme l’une des figures effectives de la scène électronique américaine. Actuellement en tournée européenne qui se clôturera au Panorama Bar fin janvier, l’occasion d’en savoir un peu plus sur le personnage se faisait attendre.

Salut Spider, quelles sont les origines des noms de tes différents projets? (Alarama!, Spider Bites, Kuru and Mindscraper)?

Alarma! est un magazine mexicain cataloguant les crimes et violences à Mexico. Il comporte des images très graphiques de scènes de crime partout dans la ville et montre des photographies vraiment inquiétantes. C’est leur façon d’alarmer le peuple des dangers les entourant. J’ai donc utilisé ce nom pour dénoncer les choses vraiment inquiétantes qui arrivent dans notre environnement mais au lieu des images graphiques de scènes de crime, j’utilise des images de pollution et d’autres pratiques inutiles. Les sujets des tracks sont tous reliés aux crimes environnementaux alertants et à la corruption politique. C’est une alarme pour le peuple appelant à regarder à l’extérieur de la boîte et se réveiller ! Les morceaux sont beaucoup plus lents et plus longs en comparaison au reste de ma musique.

Spider Bites est un sideproject expérimental, typiquement ambiant construit autour de bruits produits par des matériaux.

Le nom de Kuru vient d’une maladie que le cannibale contracte en s’alimentant de chair humaine appelée TSE (Transmissible Spongiform Encephalopathy). Manger de la chair humaine est certainement la chose la plus brute que vous puissiez faire donc j’ai pensé que serait un bon nom pour décrire l’univers sonore que j’avais à ce moment-là.

Mindscraper est un projet live analogue, ambiant, expérimental que je fais avec mon ami Phil Moffa au nom parlant de lui même (Racloir de l’esprit)

Patron de plusieurs labels: Plan B Recordings , BTU Music, Sublevel Sounds. Parles nous de tes différentes étiquettes métaphoriques de la toile que tisse l’araignée.

Plan B est managé par Lola Rephann aka Dakini9 et moi même. Nous mettons notre musique et les productions d’amis sur ce label. Nous distribuons nos vinyls des Etats-Unis via Complete USA (Le label/distributeur dirigé par Dietrich Schoenemann sur lequel Norm Talley, Steve Summers, Hakim Murphy et bien d’autres ont signé)

Sublevel Sounds est un label où je sors seulement ma musique et des remix de ma musique. Ce label est distribuée de Berlin, ville ou je produis enormément, via le service de distribution de Diamonds and pearls.

BTU Music est un label où je sors seulement de l’expérimental, de l’ambiant et du noisy. Toutes les productions sont disponibles pour le téléchargement sur le site. Tant Lola que moi même choisissons la musique et concevons les labels pour Plan B et Sublevel, mais pour BTU c’est un projet plus personnel que je gère seul.

Lequel de tes projets trouves tu le plus abouti, celui qui te tient le plus à cœur ? Pourquoi ?

Mon travail sous Dj Spider est le plus abouti, c’est celui avec lequel j’ai le plus de visibilité, celui sous lequel je joue mes sets et aussi celui avec lequel je produis des tracks ayant pour objectif d’être joués. J’aime tous les projets dans lesquels je suis impliqué et j’aime énormément collaborer à nouveau avec toutes les personnes avec qui j’ai pu travailler jusqu’alors comme Dakini9, Marshallito, Hakim Murphy, Phil Moffa….

Tu samples des discours politiques, des films à visée sociale? Pourquoi ? Es-tu si préoccupé par l’humanité ? Quel est le message de ta musique que certains qualifient d’engagée?

Ces messages sont la pour faire réfléchir l’auditeur, c’est mon moyen de communication pour faire ça. Cela m’irrite d’en parler, donc j’écris de la musique sur ces situations afin de compenser. Oui, je ressens beaucoup de préoccupations pour l’humanité ainsi que pour notre planète. Nous vivons évidemment dans une société complexe remplie d’avidité, de corruption et de pollution, mais je pense que dans le temps nous pouvons changer la donne. Pour ca la population doit se réveiller pour prendre conscience que cette situation doit prendre fin. L’inégalité n’a juste aucun sens et il n’y a aucune raison pour laquelle quelqu’un devrait souffrir de la faim tandis qu’il y a trop de nourriture pour nous tous. Nous ne pouvons pas continuer à prendre ce que nous donne la Terre et à le détruire plus longtemps. Je pense honnêtement que le peuple se réveille enfin en prenant conscience des dangers des grands gouvernements et de l’état policier qui nous dirige. C’est devenu presque impossible de se tenir au courant de tout ce qui se passe mais j’essaie de rester informé et ouvert d’esprit.

Ta musique est donc un exutoire de cette vision du monde que tu as. Tes sets sont souvent le reflet d’une musique hétéroclite. Sont-ils également un moyen de véhiculer ce message que tu as en tant que producteur ou permettent-ils de montrer une nouvelle image de ta musique?

Oui, produire et jouer de la musique est un moyen d’extérioriser positivement pour moi. Ca me permet de rester raisonnable et heureux la plupart du temps. C’est une issue saine, créer et partager de la musique que j’aime avec des gens ayant la même sensibilité. Mes DJ sets sont parfois assez éclectiques mais tout dépend du public et de l’équipement disponible. Je joue vraiment beaucoup de ma propre musique et la musique de mon crew pour présenter ce que nous faisons, mais j’aime simplement énormément la musique et souhaites partager ça avec les gens.

A l’étranger tu es perçu comme un expérimentateur sonore. Tu viens de NYC, de quelle manière cette ville t’a-t-elle influencée dans le résultat final de ta musique?

Tant New York que le New Jersey ont influencé mes productions, parce que j’ai vécu dans ces deux endroits. Les inspirations de la ville sont littéralement partout dans ma musique. J’enregistre beaucoup de sons de l’environnement et les utilise dans ma musique. Et oui, « l’artiste prolifique, expérimental » est une juste perception de moi! Je travaille sur la musique quotidiennement quand je suis à la maison et je voyage avec mon ordinateur portable pour travailler sur ma musique quand je suis en tournée.

Penses-tu apporter un renouveau à la musique électronique new yorkaise actuelle ?

J’estime que j’ai contribué à la scène de New York, mais il y a tant d’artistes étonnants dans cette ville qui contribuent à la house undergound, à la techno et à l’experimental. C’est une communauté d’artistes et nous tous l’influençons.

En terme de production, utilises-tu un set up uniquement analogique ou alliant digital également ?

J’utilise du matériel analogique et numérique dans mes productions. Les deux ont leur lot d’avantages et de désavantages, mais je les combine quand c’est possible. J’ai vraiment beaucoup de matériel dans mon studio, mais j’utilise ce que dont j’ai envie selon mes humeurs. Toute ma musique est séquencée via ordinateur et masterisée via du matériel analogique avant de finalement être prête pour le pressage vinyle.

Tu as de nombreuses sorties en 2014 dont celle sur NORD Record avec les remix d’Anton Zap, CTRLS, Tapirus and Steven Tang. Ta nouvelle sortie avec Marshallito sur The Trilogy Tapes est attendue de pied ferme . De nouvelles pulsions creatives sont-elles à attendre en ce debut d’année 2015 ?

Oui, j’ai 11 sorties en 2014, dont celle sur Nord que tu mentionnes. Pour 2015 je sais qu’il y a beaucoup de nouvelles sorties planifiées, mais ça dépend toujours de l’usinage. Les sociétés d’enregistrement sont très occupées actuellement. Je pense que c’est un bon signe pour l’avenir de vinyle, mais il rend plus difficile aux labels underground de planifier les dates de sorties. Ma collaboration avec Marshallito sur The Trilogy Tapes sortira très bientôt et mon nouvel album sous Dj Spider sur Plan B Recordings sortira début février. Mon crew Vanguard Sound et moi même avons une nouvelle compilation vinyle a venir sur Sublevel Sounds. Ce sera la 5ème que nous faisons avec l’équipe. Je suis sur quelques compilations vinyles et j’ai réalisé quelques nouveaux remix qui vont être de sortie également.

Pour finir tu signes sur le tout nouveau label Public System Recordings codirigé par le français Matthieu Foltyn et l’australien Eric Strykert aux cotés du producteur de Chicago Grey People. Raconte nous un peu comment s’est faite cette rencontre ?

Matthieu et Eric m’ont booké pour un tour australien en octobre dernier. Des dates ou je me suis beaucoup amusé et où nous sommes arrivés à parler de musique et de leur vision pour le label Public System Recordings qu’ils planifiaient de monter. J’ai aimé les line up qu’ils avaient proposé et leur vision était cool, donc j’ai accepté de faire un EP partagé avec Grey People pour leur première sortie. J’aime vraiment toutes les tracks pour cette sortie et j’espère que ça le fera pour eux. Et bien sûr ce sera une sortie vinyle uniquement…

Je suis heureux d’avoir joué avec eux de nouveau la nuit dernière à Rouen, c’était incroyable: le club, les DJs, les personnes et l’atmosphère étaient si bons!

Merci beaucoup Rob!