Si elle ne figure pas encore au premier rang des villes européennes en matière de musiques électroniques, Budapest ne cesse de surprendre grâce à l’émergence d’une véritable scène à l’univers si spécifique. Route 8, un des ambassadeurs de ce renouveau que vit la capitale hongroise, produit une musique analogique oscillant entre Chicago house bien texturée et techno mélancolique. Membre actif de l’écurie Farbwechsel, ses sorties sur Lobster Theremin et son EP sur Nous, le désormais coté label grec, font de lui l’un des artistes à suivre cette année.

Lors de son passage au Batofar aux côtés de Miltiades et Moodcut, à l’occasion de la première label night du label Nous organisée par Renascence 9293, les gars du radioshow Stick to the Groove ont pu s’entretenir un moment avec lui.

Comment ça va Szilveszter?

Ça va super !

Tu es connu sous le nom de Route 8. Pour commencer, pourquoi ce nom ?

C’est une petite anecdote sympa. En fait, il existe une route en Hongrie appelée Route 8 et mes grands-parents vivent le long de cette route. C’est comme un souvenir d’enfance marquant, parce que j’aime vraiment cette route, elle traverse les vallées, tout ça. C’est pourquoi j’ai ce nom…c’est pourquoi j’ai choisi ce nom.

Aucun lien avec Pokemon ? Parce que qu’il y a une Route 8 dans leur univers, je me demandais donc si….

Rires. J’aime Pokémon, j’y ai beaucoup joué sur ma Gameboy mais non il n’y a pas de lien. C’est marrant parce que quand je dis aux gens d’écouter ma musique et de taper Route 8 sur Youtube, tout le monde m’écrit en retour « Tu es un fan de Pokémon ou quelque chose comme ça ?! » Non, je ne le suis pas !

A ce jour tu as sortie 5 EPs et un LP…

Ce n’était pas un LP, c’était en gros un « split ». J’ai fait 4 morceaux ambient sur le side A et sur le side B mon ami Danada Cry, a fait ce genre de morceaux noisy-ambient.

Pour résumer, au début j’ai commencé à produire des morceaux plutôt affiliés « Chicago House », j’expérimentais plus ou moins. Avec ça, j’ai sorti mon premier EP (Mental Murder) sur Farbwechsel, qui est un label hongrois, c’était sur cassette. Après quoi j’ai produit 2 morceaux dans le cadre d’un « split » une fois de plus, ce fût ma première sortie sur vinyle. C’était sur Bokhari Records, un label de Londres. Ensuite j’ai produit mes morceaux d’ambients et c’est seulement alors que j’ai eu ma première « vraie » sortie vinyle sur Nous.

Te souviens-tu de comment tu as été amené à écouter de la musique électronique ?

J’étais vraiment un gros fan de la scène Electro française, plus spécialement Justice, Sebastian et les sorties d’Ed Banger en général… J’aime toujours beaucoup Justice. Le projet Route 8 a commencé après que j’ai vu une vidéo de Steve Summers jouer en live dans l’émission « Beats in Space » et j’étais la « Oh on peut faire ce genre de musique avec des synthétiseurs, je ne savais pas », bien sûr je savais ce qu’était un synthétiseur, mais je connaissais absolument rien de cette manière de l’utiliser. J’ai mis de l’argent de côté et je me suis acheté cette groovebox. C’était mon premier synthétiseur, acheté il y a 3 ans mais que j’utilise toujours aujourd’hui, j’adore ça… et voilà comment j’ai commencé Route 8. Je n’avais aucun projet de fond avec, j’ai juste mis en ligne quelques-uns des sons que j’avais produit par le biais de mon compte Soundcloud et les gens ont commencé à me trouver.

Tu as commencé avec Fruity Loops Studio, n’est-ce pas ? Si je me souviens bien, ton père t’avait offert un disque avec plein de logiciels dessus. J’ai aussi entendu que tu produisais plutôt de la musique noise/drone au début.

Oui, un peu de Noise oui. J’ai toujours aimé. J’ai toujours été un grand fan de ses sonorités plus «sales» et oui, tu as raison c’est mon père qui, quand j’avais aux alentours de 15 ans, m’a acheté un CD où il y avait Fruity Loops 3 dessus, si je me souviens bien. J’étais la « C’est vraiment cool » et j’y ai joué durant des heures, des jours…

Quelles sont tes principales influences ? Tu as évoqué Steve Summers, est-ce qu’il y a d’autres artistes qui t’ont inspiré ?

Hum, Steve Summers est toujours ma source d’inspiration principale avec bien sûr le label LIES (Long Island Electrical System). Bien que ma plus grosse influence vienne probablement de mes amis, qui m’ont toujours supporté. J’ai toujours eu une faible estime de moi et j’ai toujours pensé que ma musique n’était pas grand-chose. Lorsque je l’ai partagé avec mes amis, ils m’ont réellement soutenu, plus particulièrement le label Farbwechsel. Autrement, j’aime particulièrement le son des vieux synthétiseurs, pas seulement analogue, mais aussi digital, le son qui en sort a plus « d’émotions », j’imagine.

Est-ce que ton évolution musicale, des sonorités noise/ambient à la musique que tu produis actuellement, est liée à l’évolution de la scène musicale à Budapest ? Aux productions de tes amis, à leurs conseils ?

Oui je pense que c’est le cas, d’une certaine façon. J’ai toujours aimé ce genre de sonorités mélodiques mais je n’avais pas les connaissances suffisantes pour en produire moi-même. Ce que j’apprécie beaucoup dans la scène musicale Hongroise, c’est que chacun à son propre « son », mais nous partageons tous le même intérêt et le même goût pour la musique. Nous aimons tous la même musique, mais tout le monde possède sa propre signature, et c’est à mon sens quelque chose de vraiment spécial.
Irme Kiss, Alpar, Gnork, Norwell… vous avez tous votre propre style mais vous êtes tous liés les uns aux autres.
Oui, pour moi c’est vraiment très beau. Irme Kiss, S Olbricht, Alpar et Norwell, ils étaient tous déjà de très bons potes et j’étais le dernier à m’intégrer au groupe. C’est vraiment cool de voir que maintenant tout le monde touche une audience internationale, qui a commencé à les « capter », ce qui vraiment bien. Pas seulement une personne mais toute la scène est en train de s’exporter à l’international, et je pense que la première sortie vinyle de Farbwechsel en est un très bon exemple, que la scène mondiale réalise qu’il y a aussi une communauté autour des musiques électroniques importante en Hongrie.

Pourrais-tu nous en dire un peu plus sur le label d’Alpar et de S Olbricht, Farbwechsel ? A l’origine c’était un blog, qui est ensuite devenu un label. Quel fût son impact sur la scène musicale de Budapest et pour les artistes qui ont signé en son sein ?

L’impact du label fût énorme, je pense. Maintenant, c’est même devenu une plateforme pour avoir une visibilité internationale. C’est vraiment bien parce qu’actuellement, tout le monde surveille les sorties de Farbwechsel. A ma connaissance, ils ont toujours souhaité faire un label, Martin (S olbricht) avait un paquet de morceaux cools et il a donc signé la première sortie. Un jour, ils se sont dit « Oh et puis merde, sortons une cassette » et la cassette a vraiment très bien marché, elle a réellement attiré l’attention ! Même de la part d’artistes comme Xosar qui nous a envoyé un message de soutien ! C’est super de voir comment ce petit blog et label a dorénavant explosé sur la scène internationale.

Farbwechsel est-il seulement un projet dans votre groupe d’amis ou est-il ouvert à tout le monde à Budapest ?

Il ne sorte pas seulement de la musique provenant de notre groupe, mais aussi celle d’autres artistes. Maintenant nous recevons beaucoup de démos d’artistes Hongrois qui sont vraiment intéressantes. La dernière sortie est d’ailleurs de deux gars qui ont envoyé leurs morceaux à Farbwechsel, et qui se sont dit « C’est top, faisons une sortie ». Ils ont également sortie un artiste de Berlin qui leur avait envoyé quelques morceaux qu’ils ont trouvé digne d’intérêt. Ce label est majoritairement à destination des artistes hongrois mais il est ouvert pour tous les artistes extérieurs aussi.

Peut-on dire que Lobster Theremin a également joué un rôle important pour mettre Budapest sur la carte ?

Oui, je suis vraiment content que Jimmy (Lobster Theremin) soit d’un aussi grand soutien. Il a découvert Farbwechsel par mon intermédiaire je crois, ou peut-être pas, je ne sais plus. Mais c’est très agréable de voir qu’il apprécie vraiment les morceaux.

Comment vous êtes-vous rencontré ?

En fait, Jimmy a découvert mes morceaux sur Soundcloud, avant de m’envoyer un message «yeah je lance ce label appelé Lobster Theremin », et j’étais là, « Lobster Theremin quoi ? Qu’est-ce que c’est que ce nom » et puis « hum, ok c’est parti ». Après quoi nous avons beaucoup échangé/discuté avant de nous rencontrer pour la première fois à Londres. Nous avons fait une date sur place avant de partir pour l’Egypte ensemble. Maintenant nous sommes de très bons amis, ce qui est vraiment génial ! C’est pourquoi j’aime vraiment ce que je fais, je rencontre un tas de nouvelles personnes cools et je me fais un tas de nouveaux potes cools rien qu’à travers ma musique. Et c’est un super sentiment tu vois, c’est aussi une source de motivation.

Est-ce qu’il y a une bonne scène club à Budapest ?

Oui je pense qu’il y a de très bons clubs, bien que maintenant beaucoup trop de nouveaux clubs ouvrent et qu’il n’y a pas assez de monde pour tous les remplir. Je recommanderai fortement le LÄRM : c’est un très très bon club et je pense le meilleur Sound-system de Budapest en ce moment. La capacité maximum est de seulement 300 personnes mais l’ambiance y est très spéciale. Il y aussi un autre club appelé Toldi, qui est en gros un cinéma le jour mais qui la nuit se transforme en club. C’est deux-là sont les principaux, ceux que j’aime beaucoup, même si il y en a encore pleins d’autres.

Il y a un an tu signais sur le label Nous. As-tu des prochaines sorties de prévues ?

J’ai un nouvel EP à venir sur Lobster Theremin à la fin du mois de Février. Après quoi, je souhaite en sortir un deuxième mais je ne sais pas encore où, je cherche toujours pour la bonne plateforme. Je vais aussi sortir un EP d’edit disco parce que j’en ai des tonnes, je ne sais pas, j’adore juste ça. C’est tout ce que je sais pour le moment. Je souhaite également faire un album, peut être cet automne. Ce serait sûrement un double LP. Je ne suis pas sûr d’en être capable, mais je souhaite vraiment essayer. Cela sortirait dans tous les cas sur Farbwechsel.

Veux-tu rester dans la lignée musicale de ce que tu produis en ce moment ? Ou est-ce que tu souhaiterais retourner dans un champ plus expérimental ?

Je ne sais pas vraiment étant donné que j’aime tellement de genres, c’est dingue, parfois je fais de la Techno et parfois je vais juste faire des edits Disco. J’adore également l’Electro, je veux faire un EP qui soit purement Electro, dans la lignée de Drexciya. Jimmy m’a un jour dit que mon style de musique c’était de la « Techno de Bridget Jones » parce que je produis toujours ce genre de Techno mélancolique, triste, ce qui est absolument vrai. Je ne sais pas, j’aime juste beaucoup ce style de Techno triste et mélodique. C’est ce qui définit ma musique mais je suis toujours ouvert sur de nouvelles choses.

Tu as aussi un projet annexe au côté de S Olbricht : Ste Pwri Tmod . Est-ce que vous avez un nouvel EP de prévu ?

Oui nous travaillons sur des nouveaux morceaux. Il sera plus porté sur de l’Electro. Nous sommes en train de travailler sur un EP parce que l’album que nous avons fait a vraiment bien marché et nous souhaitons poursuivre sur cette voie.

Vous devez poursuivre ! Le premier était très bon !

Oh merci, merci beaucoup. Beaucoup de monde nous a écrit un message que peut-être nous pourrions le presser en vinyl mais nous n’avons pas trouvé de plateforme pour.

Est-ce que tu as des artistes hongrois que tu souhaiterais recommander ?

Oui, il y a ce gars appelé Gnork, c’est un artiste de deep-house, plutôt aérienne, et bien sur tous les artistes de Farbwechsel. Il y a aussi cet artiste appelé Asio otus, qui produit un genre de house vraiment mélodique, vraiment à contresens, il est très talentueux. Egalement Alley Cats… Il y a tellement de noms… mais ceux-ci sont ceux qui me viennent à l’esprit.

Pour finir cette interview, est-ce que tu connais un mot de français que tu souhaiterais nous dire ?

Hum “Merci Beaucoup”.

Quelque chose que tu souhaites dire en Hongrois ?

Igyatok sok szeszt! Cela signifie : “ bourrez-vous la gueule ”
Rires … “et mangez des cheesecakes”

Merci à toi pour cette entrevue, on te souhaite le meilleur pour le futur.
Merci également à Renascence pour l’accueil.

Interview de Lény Richard & Théo Lorenzi.