C’est sur le label de Lucy, Stroboscopic Artefacts, que l’italien Dario Tronchin aka Chevel (fondateur des labels Enklav et Monday Night Records) a sorti son 3e album. Certains avaient déjà vu en Dario un potentiel d’explorateur d’un nouveau genre depuis 2008, d’autres depuis son EP Tank/Beauviane sorti il y a un an sur Mistress. Mais on avait encore rien vu de l’évolution dont ce talentueux Dj était capable. Fin septembre, son album Blurse est sorti, un album atonal, surprenant et autant sombre que radieux que l’on va essayer de décortiquer.
Dans Blurse on pourrait dire que l’on retrouve du Objekt, Call Super, Pearson Sound, Aphex Twin, Alva Noto et certains y voient même du Donatto Dozzy… Mais pourquoi n’y verrait-on pas simplement un nouvel univers, celui que Chevel vient de créer. Un univers qu’il a modelé et remodelé jusqu’à obtenir un monde de sonorités dystopiques et méticuleuses.
Comme à son habitude, Dario troque le surplus d’informations pour faire passer le plus d’émotions possible.
Le premier morceau de cet album, Comb, annonce la couleur. De l’asymétrie à tous les niveaux comme il sait si bien la faire.
Avec « Windrunner » on se retrouve dans une soufflerie et ses sous-sols. Peut-être le morceau qui incite le plus l’imaginaire de l’auditeur à se lâcher. Les différents sons semblent réellement venir de l’étude des effets d’un écoulement d’air sur un corps (merci Wikipédia). Les nappes se font rares et d’autant plus belles.
Quelques morceaux plus tard une petite halte en utopie nous est proposée avec la douceur de « Heimweh » avant de pouvoir réintégrer la dystopie. Ici, on y sentirait presque la touche nostalgique (et mélodique) de Clark ou Nathan Fake.
Chevel est généreux : la ligne de basse, les percussions, les synthés, les mélodies, les silences, les saturations… tout est mis en avant à un moment donné. Le son semble pris à la source, détruit, remodelé, re-détruit et remodelé. Chevel joue l’explorateur de nouvelles textures et le morceau « Stranded » semble en être le paroxysme : des sons breakés puis étouffés, épurés par la suite pour qu’au final tous se rejoignent dans une boucle.
Chevel décide de clôturer son album en beauté par deux pièces dansantes comme pour rappeler son identité. « A Form Of Love » est peut-être le morceau le plus « naturel » de l’album, les sons y sont moins déstructurés et plus organiques. Le morceau entier est basé sur des cascades mélodiques, adios les ossatures désarticulées.
L’ensemble de l’album manque peut-être un peu d’homogénéité même si les 12 morceaux en eux-même sont très harmonieux. Mais peut-être qu’au bout de la millième écoute, l’album murira dans l’esprit et deviendra quelque chose de plus homogène.
Les noms des morceaux sont eux aussi intriguant : « Identity Switch » « Flippant Remark » « Low Roof » « A Form Of Love ». L’idée de titres aléatoires a peut-être effleuré l’esprit de certains mais celle de titres personnels semble encore plus plaisante. Reste plus qu’à demander au principal intéressé.
Le format tant redouté de l’album électronique est ici une évidence. Chevel a su composer des morceaux courts aux identités très marquées. Une musique de contemplation et de danse, cet album lance l’avènement d’un nouveau Chevel : celui qui plonge dans le monde qu’il commençait à effleurer depuis quelques temps. Et on ne pouvait pas lui souhaiter meilleure évolution.