Il y a six ans, La Fleur vivait à Stockholm et se préparait à une belle carrière dans le monde pharmaceutique. Arriva un moment où elle « dut choisir ». Il faut du courage pour poursuivre son rêve, le sien était de jouer des disques, et dans un geste inspiré elle partit à Berlin pour ne jamais revenir. Les dernières années l’ont vue s’établir en tant que productrice rafraîchissante et atteindre de nouvelles sphères à une vitesse impressionnante. Beaucoup s’en satisferaient, mais elle a aussi initié son propre label Power Plant qui lui sert de plate-forme dans ses différents projets artistiques, et est à présent résidente du fameux Watergate à Berlin.
Après avoir remixé Kerri Chandler lors de l’EP Watergate Files survenu après son Watergate 15, il était logique de voir l’hyperactive La Fleur se charger des reines du 16 ème opus de la série des Watergate. Nous avons eu la chance de la rencontrer à Berlin afin d’en découvrir plus sur une personne qui à une époque étudiait la pharmacie et s’entraînait à utiliser des platines sur la table de sa cuisine.

Avez-vous vécu une sorte de renaissance lorsque vous avez décidé de vous concentrer sur la musique ?

J’aime le changement, on avance lorsqu’on l’accepte. À l’époque où j’ai commencé à DJ, j’ai senti que faire quelque chose de créatif m’avait manqué. J’étais tellement focalisée sur mes études, mes amis, je n’avais pas une minute à moi. Ce fut positif de reprendre la danse, de me remettre dans la musique. Je me suis sentie beaucoup plus dans mon élément. En un sens ce fut donc une renaissance.

Votre musique a beaucoup évolué ces dernières années. Qu’est-ce qui vous influence le plus ?

C’est bien entendu quelque chose qui n’est pas gravé dans la pierre, et c’est bien ainsi. Concernant ce qui m’influence, il est difficile de répondre car c’est tellement de choses. Je pense qu’en tant que Suédoise, je suis très focalisée sur la mélodie. J’aime les morceaux qui racontent une histoire, et je suis toujours impressionnée par la faculté qu’a la musique à changer votre humeur, vos sentiments. La musique peut vous faire faire cela, ou à l’inverse vous en empêcher. Mais pour résumer, quelqu’un qui fait son truc et le fait avec du cœur – on le voit vraiment lorsque quelqu’un croit à ce qu’il fait – c’est une source d’inspiration pour moi.

Power Plant a l’air d’être un projet gigantesque. Musique, mode, expositions…

(rires) Lorsque j’ai commencé Power Plant, je voulais exactement cela, que ce soit un lieu pour mes différents projets créatifs. Parfois il faut que je me bride et que je me concentre. Mais faire une variété de choses m’inspire et me rend heureuse. Power Plant Elements qui est la division couture du projet a démarré car je voulais faire du merchandising. Cela a beaucoup évolué, mais c’est aussi ça Power Plant, cela peut grandir et grandir, et lorsque c’est prêt, c’est prêt.

Vous avez l’air de faire très attention à l’aspect visuel.

C’est très important pour moi. Ce fut une de mes motivations lorsque j’ai commencé mon propre label. Je voulais faire des disques qui me donnent envie de les acheter, des disques avec de magnifiques illustrations. Il y a aussi les histoires derrière tout cela. Je les vois toutes comme de superbes peintures, et je suis tellement reconnaissante de les avoir.

Vous n’allez peut-être pas aimer la comparaison, mais quand j’ai découvert tout cela, un nom m’est immédiatement venu à l’esprit : Ellen Allien.

Elle a son propre label et elle fait aussi une collection. Je suppose que nous avons nos propres visions et façons de faire. J’aime Ellen, elle fait vraiment ce qu’elle veut, mais au premier regard je peux comprendre que cela se ressemble.

Elle a aussi réalisé le Watergate 05.

Oh c’est vrai, je n’y avais pas pensé. Vous êtes le premier à m’en parler. Dans mon cas c’est assez normal que je le fasse car j’y suis résidente.

Comment avez-vous rejoint la famille Watergate ?

Ils me l’ont demandé. J’organisais cette soirée le mercredi soir avec un ami, et je suppose qu’ils appréciaient ce que je jouais. Ils m’ont invitée à cette réunion, et je m’attendais à ce qu’ils me proposent de faire un remix. Mais en fait ils allaient créer l’agence. Je venais de me séparer de mon agent, donc c’était un timing parfait. Sinon j’aime avoir le contrôle, j’aime faire les choses à ma façon. C’était une bonne chose pour moi de rejoindre le Watergate, de faire partie d’un contexte plus large.

Afin de lâcher prise ?

Dans le cas de la pochette, je pouvais choisir l’animal. Je voulais une étoile de mer, mais ils ont insisté pour que je prenne un hippocampe ou un coquillage. « Je suis une fille, mais je ne suis pas un putain d’hippocampe ou un coquillage, je veux une étoile de mer. » Ce sont des détails qui m’importent et j’ai un fort caractère. Mais c’est aussi bien que je lâche un peu de contrôle. J’avais d’autres idées auxquelles ils m’ont répondu « non Sanna ».

Le Watergate et la scène club berlinoise ont beaucoup changé ces dernières années, êtes-vous d’accord ?

Je pense que oui. Mais c’est parce que Berlin change beaucoup. Il est difficile de ne pas changer alors que Berlin évolue si vite. Ce n’est pas comme Paris ou Rome, où le changement est plus subtil. Je pense qu’il est sain pour n’importe qui vivant ici de faire partie du changement. Ils le font de manière positive, ce sont des gens qui ont du cœur pour la musique.
Watergate 16
Pouvez-vous m’en dire plus sur le Watergate 16 ? Comment cela s’est passé ?

J’étais extrêmement heureuse d’avoir cette opportunité. C’est ma première compilation et donc évidemment je voulais faire quelque chose de différent de ce que je fais habituellement lors de mes sets. Ce fut un challenge, surtout parce que j’ai du mal à me décider et à lâcher prise.

Avez-vous réalisé une trentaine de versions avant d’être satisfaite de l’une d’entre elles ?

Pas vraiment, mais cela évoluait en permanence, « ce morceau, ou non celui-là ». Émotionnellement ce fut une véritable montagne russe. J’ai aussi fait un bon nombre de requêtes à mes amis et collègues à la recherche de morceaux exclusifs pour l’occasion. J’en ai eu de très bons avec entre autres ce remix réalisé par Spencer Parker de What to Wear de Miss Kittin. Quelques classiques aussi, je ne sais pas si vous avez entendu le final avec Flashback.

Je suis Français… « Oh ! Flashback de Laurent Garnier » a été ma première réaction en découvrant la tracklist.

(rires) Ce n’est pas la version originale mais celle de la vidéo où l’on entend des Français discuter. J’adore ce clip, j’ai essayé d’avoir des classiques, des morceaux qui me correspondent vraiment et que je joue beaucoup. Aux côtés des exclusivités, j’ai voulu mélanger tout cela et réaliser quelque chose de spécial. J’aurais aimé avoir trois heures, mais parfois c’est bien d’avoir un format qui tient sur CD.

Ostgut a tout juste annoncé son abandon des mix CDs. Que pensez-vous du futur de ce format ?

J’espère que les gens vont continuer à les écouter et les acheter. Aujourd’hui on enregistre un mix et c’est en ligne gratuitement, mais il faut aussi se rendre compte qu’un CD réalisé par quelqu’un va être différent d’un simple podcast. C’était avec moi pendant six mois, et j’y ai pensé plus ou moins tous les jours : « où est-ce que je veux l’amener ? » C’est un processus différent et on veut montrer qu’on peut avoir des horizons plus larges. C’est un peu la même chose avec le vinyle. Les gens pensaient que le digital signait la mort du vinyle, mais non, c’est quelque chose d’acheter un disque.

Les exclusivités vont sortir en version vinyle ?

Le 23 juin, Carl Craig a remixé un de mes morceaux : Arms Around.

Vous avez travaillé avec Kenny Larkin, Kerri Chandler, Carl Craig… Qui sera le prochain ? Jeff Mills ?

(rires) On me dit parfois : « tu as un faible pour les hommes originaires de Detroit ? » Il était prêt à me faire un remix que je prévoyais pour un autre label. J’avais quelqu’un d’autre pour celui chez Watergate, mais la personne a connu un « burnout » et a tout annulé. C’était assez stressant, « qui allons-nous prendre maintenant ? Ok Carl Craig va faire ce remix, il va pouvoir le faire ».

Pas mal comme « remplaçant ». Stressée avant la « release party » de demain ?

Le Waterfloor est un peu devenu mon salon, mais je dois admettre que je suis un peu stressée.

Facebook, Watergate & Power Plant

La Fleur
Watergate 16 [Watergate Records]
CD – digital
Date de sortie : 26.05.2014

Tracklist:
01. Matthias Meyer – Miss Appre Gate (Beatless Version) – Watergate Records (exclusive track)
02. Of Norway – Trust In The You Of Now – Watergate Records (exclusive track)
03. Casino Times – 202Club – Watergate Records (exclusive track)
04. Show-B – Dem Atmos – Watergate Records (exclusive track)
05. Dj Sprinkles – Grand Central Pt. 1 (Deep Into The Bowel Of House) (MCDE Bassline Dub) – Mule Musiq
06. La Fleur – Stella – Watergate Records (exclusive track)
07. Peace Division – Seriously Twisted – Low Pressings
08. Andrea Parker – Too Good To Be Strange – Touchin’ Bass Records 09. La Fleur – Arms Around – Watergate Records (exclusive track)
10. Johannes Volk – Glare – Tief Music
11. Miss Kittin – What To Wear (SPN Rmx) – wSphere/Wagram Music 12. Quantum Entanglement – Acid Thunder – Vakant
13. Hans Berg – Machines – Fullbarr
14. Sunday Brunch – No Resistance – Svek
15. Laurent Garnier – Flashback (Video Mix) – F Communications