Peu de gens traversent une expérience qui bouleverse entièrement leur vie. Brian Mitchell en a déjà vécu deux. La première fois qu’il a entendu King Tubby, il savait qu’il allait dédier sa vie au jazz. S’exerçant à la guitare au minimum six heures par jour, travaillant son instrument pendant des années, il déménagea à New York à la poursuite de son rêve. Cependant une nuit à Berlin au Berghain allait tout changer. Dans l’intimité de son studio à Berlin 785 (code de Lawrence Kansas) il nous a invité pour l’enregistrement de son mix pour Input Selector. L’occasion était parfaite afin d’apprendre comment, de musicien jazz, l’on devient producteur techno.
Quels sont les projets sur lesquels tu travailles en ce moment ?
J’ai quelques sorties prévues pour bientôt, et je suis en train de démarrer mon propre label. Tout sera disponible sur vinyles car je crois vraiment en l’importance de ce médium. Je travaille aussi sur un live, et j’essaie d’expérimenter et d’introduire la guitare dans la techno.
Un Dj m’a un jour dit qu’il déteste Traktor, car lorsqu’on a un écran devant soi, on a tendance à oublier d’interagir avec le public.
Je joue toujours avec les deux, vinyles et Traktor. Je pense que c’est un outil formidable, mais jamais je ne vais arrêter de jouer des vinyles. J’ai vraiment besoin de partager avec mon audience, c’est pourquoi j’ai toujours mon ordinateur sur le côté. Ainsi lorsque je regarde devant moi, je ne vois que les gens. Je me suis entrainé, un peu comme lorsque j’étais guitariste, j’apprenais, je m’exerçais comme un fou afin de ne plus devoir regarder les partitions. La même chose s’est passée avec la techno, davantage même.
Tu m’as l’air vraiment passionné.
Quand je me réveille le matin, je ne pense qu’à la techno. J’ai essayé de me forcer à regarder les infos, lire… C’est un peu stupide : qui dans le monde se réveille et a envie d’entendre du 4 by 4 à 9h du matin en train de boire son café ?
Tu préfères produire ou être DJ ?
J’adore les deux, mais ce que j’ai un peu moins fait c’est DJ. En ce moment c’est ce qui me donne le plus de plaisir : rencontrer la foule, leur faire perdre la raison, pour que moi-même je perde la mienne.
Est-ce que tu te souviens comment tu as découvert la techno ?
J’écoute de la techno seulement depuis trois ans, tout ce que je connaissais avant c’était le Delta Blues, Miles Davis… Je n’avais jamais écouté de la musique électronique avant d’arriver à New York, et là-bas j’ai juste découvert sa partie expérimentale, rien de lié aux clubs. Ensuite j’ai rencontré ce pianiste qui m’a montré ses disques d’Underground Resistance, Basic Channel… Et j’ai bien aimé.
Au point d’en abandonner le jazz ?
En fait il m’emmena pour une Substance au Berghain, j’ai apprécié mais à aucun moment je me suis dit « ok je veux faire de la bass music ». Ensuite j’ai décidé d’y retourner lors d’une soirée normale histoire de voir. Là je ne veux pas sembler trop dramatique, mais ça a vraiment tout changé pour moi. Un truc s’est passé cette nuit-là, quelque chose de très émotionnel. J’étais au Berghain, et soudainement j’ai senti mon énergie monter et monter… J’ai déchiré mon teeshirt, j’ai commencé à sauter dans tous les sens, crier, brandir mon poing en l’air, enfin bref, j’étais tout simplement en train de perdre la tête.
Wow, tu y es resté combien de temps ?
Je pense que j’y suis resté une vingtaine d’heures. Le lendemain bien entendu, j’ai eu une sorte de descente, mais c’était plus que ça. Je me souviens avoir commencé à pleurer, j’avais des larmes aux yeux en train me dire “putain un truc s’est passé la nuit dernière que je ne peux pas expliquer”. Dans la semaine, je me suis dit : ok, je vais faire de la techno pour le reste de ma vie.
C’est donc ainsi que 785 a vu le jour ! Fascinant, il est vrai qu’une nuit au Berghain peut se révéler vraiment intense.
Cette nuit et la techno ont changé ma vie.
Tu viens de mentionner une descente, beaucoup de gens lient la techno aux drogues, quelle est ton opinion sur le sujet ?
En ce qui concerne les drogues, je vais l’exprimer de cette façon : le reggae serait différent sans la marijuana, la musique country sans l’alcool, et le rock sans la cocaïne et le tabac. Lorsqu’il s’agit de la musique rave, impossible de nier son lien étroit avec l’ecstasy. Mais on doit les respecter, respecter nos corps et nous-mêmes.
As-tu préparé quelque chose spécifiquement pour ce mix ?
Alors au début j’ai pensé “ok je devrais peut-être faire quelque chose d’un peu plus podca-isant”, mais mon son c’est vraiment les drums, j’ai donc décidé de m’y tenir et de simplement faire un gros mix techno. J’avais un concept en tête, mais je ne planifie jamais entièrement un set, j’adore improviser et je pense que c’est très important. J’ai un peu innové dans ce podcast, j’ai utilisé d’autres outils pour créer des choses nouvelles. J’ai une façon de faire mes transitions qui marche vraiment, mais j’essaie de m’en éloigner.
Christophe
Not many people go through a life changing experience. In the case of Brian Mitchell, it is not one but two that already happened to him. When he first heard King Tubby, he just knew he had to dedicate his life to Jazz. Practicing guitar at least 6 hours a day, honing his skills for years, he moved to New York pursuing his dream. However a night in Berlin’s Berghain three years ago changed everything. In the intimacy of his studio in Berlin, 785 (area code of Lawrence Kansas) invited us for the recording of his mix for Input Selector. That was the perfect opportunity to learn how from a jazz musician you become a techno producer.
What are the projects you are working on at the moment?
I got a few releases due soon, and I am also starting my own label. Everything is going to be available on vinyl because I really believe in the importance of that medium. I am also working on a live set, and experimenting with guitar.
I once heard a DJ say that what he hates about Traktor is that when you have a computer in front of you, you tend to forget about interacting with the crowd.
I always play with both, vinyl and Traktor. I think it is an amazing tool, but I will never stop playing vinyl. I really need to interact with the crowd, that is why I always have my computer on the side. So that when I play and look in front of me, I can just see people. I practiced you know, like when I was a guitar player I was learning my shit. I practiced the hell out of it so I wouldn’t have to look at charts. The same happened with techno, even more so.
You sound extremely dedicated.
You know when I wake up in the morning, all I think about is techno. I have tried to force myself to watch the news and stuff. It is stupid, who in the world wakes up and wants to hear some 4 by 4 kick drums at 9 in the morning while drinking a cup of coffee?
Do you enjoy DJing or producing more?
I love both, but the thing I haven’t done as much is DJing. Right now this is what I enjoy the most, getting with the crowd and making them freak out, so that I freak out.
Can you remember how you got introduced to techno?
I’ve only been listening to techno for 3 years, all I knew about was Delta Blues stuff, Miles Davis… I had never listened to electronic music before I moved to New York, and in New York I just discovered the experimental part of it, nothing dance related. Then I met this piano player that showed me those records from Underground Resistance, Basic Channel… And I liked it.
Did it make you give up jazz and become a techno producer?
Well he took me to Berghain for a Substance party, I enjoyed it but I never said to myself I wanna make bass music. Then I decided to check it out during a regular club night. Here I don’t want to sound too dramatic, but it really changed everything for me. Something happened that night, something very emotional. I was in Berghain, I could feel it, and all of a sudden the energy started to rise and rise, I tore off my t-shirt, started jumping up and down, screaming, pumping my fist in the air and just losing it, absolutely losing my shit.
Wow, how long did you stay there?
I think I was there for 20 hours. The next day of course I was coming down and all, but it was more than that, I remember I was on my couch and I started to cry. I had tears in my eyes and I was thinking wow something fucking happened last night that I can’t explain. The next week I was like alright, I’m gonna make techno for the rest of my life.
So that is how 785 was born. That’s an amazing story, but it is true that a night in Berghain can be extremely intense.
That night and techno changed my life.
You just mentioned a come down, many people link techno to drugs, what is your opinion about that?
About drugs, I am going to put it this way : reggae wouldn’t sound the way it does without weed, country music without alcohol, and rock music without cocaine and tobacco. When it comes to raving, there is no denying that ecstasy is tied to it. But you have to respect them, your body and yourself.
Did you prepare anything specific for this mix?
Well first I thought “ok maybe I should try to make something more podcastish”, but my sound is drums so I decided to stick to it and go for a banging techno mix. I had a concept in mind, but I never plan an entire set, I really like improvising and I think it is really important. There are a few things I hadn’t done before in that podcast, I used different tools that create different things, I do have a way to transition that really works but I am trying to get away from that and try new things.