Nous ressentons tous un jour le temps qui passe, et la pilule n’est pas toujours facile à avaler. À quel moment réalise t’on que l’on appartient à une autre génération, que l’on cesse d’être jeune ? Dans le cas de Steph, on peut penser que ce fut lorsqu’il s’est rendu compte qu’il était devenu « old school ».
Il ne se dit pas nostalgique, mais lorsqu’on lui parle du mouvement des raves, il évoque rêveur des souvenirs éloignés. Plus d’une décennie plus tard, tout a changé, mais ce qu’il en reste est finalement le plus important : la musique. Une musique qui grâce aux nouvelles technologies peut finalement enfin être retrouvée, partagée, et c’est ainsi qu’il nous raconte que son site Old School But Good School est né : lorsqu’il s’est rendu compte qu’il serait dommage de perdre ces précieux liens au fin fond d’un wall sur Facebook. Nous l’avons donc rencontré à Berlin le temps d’une balade et d’acheter quelques disques.
INTERVIEW
Comment s’est passé ton premier contact avec la musique électronique ?
Oh j’étais vraiment jeune, onze ans peut-être. J’ai commencé à découvrir tout ça sans vraiment me rendre compte que c’était underground. J’aimais sans trop savoir ce que c’était, ça me plaisait, ça me faisait marrer. A cette époque, j’écoutais aussi des trucs commerciaux, de la « dance ».
Dans le genre « Dance Machine » ?
Oui un peu dans ce style, en fait j’aimais les trucs commerciaux, mais aussi les trucs beaucoup plus pointus, sauf qu’à l’époque je ne savais pas que c’était pointu. Je me souviens, je portais des t-shirts « Acid » avec des smileys… Évidemment sans avoir la moindre idée de ce que cela pouvait représenter. C’est drôle, je me suis fait cette réflexion il y a pas très longtemps en fait.
Tu t’es rendu compte récemment que tu portais des t-shirts de junkies à 11 ans ?
(Rires) Voilà c’est un peu ça. Et il y avait une sorte de dualité pointu pas pointu. Mon meilleur pote et moi avions ces compilations, mais on ne se rendait absolument pas compte du phénomène rave, tout ce qu’on savait c’est qu’on aimait bien, on découvrait ça sur une radio de Nancy : M40 qui est devenu Maxximum ensuite je crois. Ensuite en 93/94 j’ai déménagé à Strasbourg, et là j’ai commencé à faire mes premières raves, à acheter des vinyles.
C’était les coups de téléphone, les boîtes vocales ?
Mes toutes premières c’était des trucs organisés, mais ensuite oui je suis allé dans des raves avec les points de rendez-vous et les guides. Cela a vraiment commencé quand j’ai eu mon permis en fait : c’était hotlines, flyers, routes dans les champs… etc… J’étais à Strasbourg à cette époque. Je me souviens une fois on a suivi un guide ; il nous a fait passer par un chemin pas possible pendant 1 bonne heure, pour finalement débarquer dans une sorte de prairie en Moselle avec juste une tente et environ 400 personnes. Personne ne savait qui mixait, et en fait un des DJs était Manu le Malin. Cette teuf, c’est vraiment un super souvenir.
La belle époque ! T’as donc eu la chance de vivre le mouvement des raves en France à son apogée, avant la chute.
On est la deuxième génération, après j’ai aussi vécu le phénomène club. Je me souviens du Campus, une ancienne usine où j’allais quand j’étais en seconde. Le mec se faisait appeler cap’tain Toons, et il se baladait sur une tyrolienne au-dessus de la foule. Il mettait capitaine Flam avant chaque set, enfin bref. Au début lorsque je sortais, j’étais plus dans la fête, puis j’ai commencé à kiffer la musique, et après j’ai plus connu les raves. Mais de ce qu’on m’a raconté de 89 à 92, c’était l’âge d’or. Quand je suis arrivé en 93 c’était déjà en train de changer, et selon les puristes il s’était déjà produit une sorte de perte d’identité du mouvement. Il y avait encore des belles teufs, avant la chute à la fin des années 90.
En une vingtaine d’années, tu as pu voir de nombreuses évolutions, est-ce que tu en regrettes certaines ?
J’ai été nostalgique… Je ne le suis plus, mais je suis très heureux d’avoir connu cette époque et ce mouvement culturel, c’était bien plus qu’une mode.
Un mode de vie ?
Exactement, un mode de vie. Un mouvement qui a évolué avec la musique et les technologies. Les infolines et le minitel ont disparu mais maintenant on a le web, et les flyers sont toujours là.
Tu dirais que c’est ton attachement à ce mouvement, cette certaine nostalgie qui t’a fait lancer ton site spécialisé sur la musique « old school » ?
Oui évidemment, je pense qu’il y a eu une période difficile au début des années 2000, mais en ce moment c’est reparti, et il y a un énorme revival de cette musique. En fait, à cette époque, je travaillais chez F Communications (label de Laurent Garnier et Éric Morand). À côté j’ai aussi organisé des soirées, je jouais mais c’était plus un hobby qu’autre chose. En 2005, FCom a licencié, avant de fermer ses portes un peu plus tard. Entre 2006 et 2009, je suis complètement sorti de ce monde, je n’écoutais plus de musique, je ne sortais plus. Mais à partir de 2009, et je pense que c’est lié à Facebook, j’ai recommencé à m’y intéresser.
Grâce aux réseaux sociaux, Facebook, Youtube… Tu t’es remis dedans ?
Exactement, j’ai retrouvé des potes sur Facebook et on a commencé à se partager des tracks. À force, je me suis dit : mais il faut faire un blog où il faut tout mettre, parce que ça va se perdre dans le fil Facebook, et ne on les retrouvera jamais. Du coup vu que je travaillais dans le web depuis plus de dix ans, j’ai monté ce blog en une semaine, j’ai pris un WordPress, un vieux template, et j’ai tout foutu dessus. En fait dans la période avant 2008, j’étais hyper nostalgique des années 90, et OSBGS a permis de guérir ça. J’ai pu partager avec tout le monde ce que j’avais fait et vécu, et voilà l’aventure a commencé.
Internet est un outil formidable pour trouver de la musique, mais il faut souvent quelqu’un pour te dire où chercher.
Il y a tellement de tout, donc t’es rapidement dépassé. Ce que je propose c’est que du « old school » donc rien au dessus de 2000/2002/2003.
C’est pour un son particulier, plus acide peut-être ?
Cette époque a clairement un son spécifique, celui des machines, le son analogique, les constructions de morceaux étaient aussi différentes. Mais on en entend à nouveau aujourd’hui, je pense à Redshape et Kink par exemple. Il y a un grain spécifique, ce qui est mortel c’est ces morceaux cultes qui tapent encore maintenant.
Tu penses quoi de la quantité de musique produite aujourd’hui ?
Clairement aujourd’hui il y a une facilité d’accès aux outils de production grâce aux technologies, et donc le résultat c’est que beaucoup plus de musique est produite. Mais ce n’est pas une mauvaise chose, au contraire. J’ai même envie de dire que c’est l’évolution logique et tant mieux, internet c’est techno !
Intéressant ! J’ai souvent pu rencontrer des personnes ayant travaillé dans ce milieu avec un certain ressentiment contre les nouvelles technologies, les mp3.
Je ne suis pas partisan de dire comme beaucoup de DJs : « ceux qui mixent sur mp3, c’est des tocards », même s’il y en a. En regardant en arrière, la période au début des années 2000 a été très dure et c’est à ce moment là que j’ai commencé à travailler pour FCom. Je leur ai d’abord envoyé un mail en disant que ce n’était pas normal qu’ils n’aient pas un vrai site (rires). Ils m’ont alors embauché, et on a refait le site. C’était le début, on vendait quelques mp3s etc…
Tu te trouvais au centre, un acteur et témoin privilégié de ce changement.
Je suis arrivé en pleine crise de la musique. Internet n’a pas tué la musique, mais ce qui est certain c’est que ça n’a pas aidé au départ. Les attitudes évoluent, et les jeunes d’aujourd’hui ont du mal à se dire qu’ils vont dépenser deux euros pour un morceau. Il a fallu dix ans avant de commencer à trouver de vraies solutions, donc 2000-2010 c’était extrêmement compliqué. On a fait ce qu’on a pu, le mp3 est arrivé, les réseaux peer-to-peer sont arrivés, et beaucoup de labels n’ont pas survécu. C’est triste, mais internet n’est pas le diable et a aussi ses bons côtés. C’est une plateforme énorme qui a permis à de nombreux artistes de se faire connaître, à des labels de se former, à des petits médias de s’exprimer.
Pas de haine donc ?
Non pas de haine, en 2000-2005 je prêchais cela, et le numérique forcément à l’époque c’était le mal. Avec Eric Morand j’ai eu beaucoup de discussions sur le sujet, sur le piratage. Chez FCom ils voulaient y croire mais ils n’ont pas réussi à s’adapter. J’étais jeune, et un peu le représentant de tout ce qui arrivait. Je n’avais pas non plus les arguments que je peux avoir maintenant.
Le représentant de ce fléau.
Le représentant de ce fléau. Mais je comprends tout à fait la haine. Il fallait s’adapter ou mourir, c’est dur et triste mais c’est la réalité. La musique n’est pas qu’un art mais aussi un business. Le plus dur étant de vendre, sans vendre son âme au diable.
Tu n’as jamais été tenté par la production ?
J’ai toujours été plus organisateur et promoteur qu’artiste. J’avais ce groupe de potes dans les années 90, et j’étais plus une sorte d’agent, je contactais les radios, on essayait de trouver des dates. Dans les années 2000 j’ai créé l’association 24h, j’en étais président et j’organisais. Ça a un peu changé, je mixe depuis 1994, mais depuis 2008 je ressens l’envie de montrer ce que je peux faire. Donc à partir de 2009 dans les soirées que j’ai pu organiser, j’ai toujours joué sauf à la P.U.R.E. Mais en ce qui concerne la production, je pense ne pas être assez patient. Je touche quelques machines mais ça restera anecdotique je pense, enfin on ne sait jamais, si un jour ça sonne.
Tu peux me parler de tes projets futurs ?
Continuer avec OSBGS de toujours faire découvrir de la musique, essayer d’être décalé, de travailler sur le graphisme, et de raconter des histoires. Sinon pour les soirées, à Paris il y a eu la P.U.R.E récemment. On aimerait la refaire, car nous avons eu de très bons retours, les gens qu’on voulait, des jeunes, des vieux, tous avec le sourire dans une ambiance rave. Il y a aussi cette résidence P.U.R.E Dinosaures au Rex, dont le but est de faire jouer des anciens Djs Français avec un ou deux artistes actuels. Avec Manu Casana et Fabrice Gadeau du Rex, on a repris cette soirée où le oldschool parisien va à la rencontre de la vague du moment. Et bien entendu les soirées OBSGS au 4 Elements, ça marche bien, nous en sommes à la 12e (la prochaine sera le 7 septembre au avec Mlle Caro et Adio aka R-Play en invités et Yanix et Steph en résidents). Sinon maintenant que je suis exilé à Berlin, je vais aussi essayer d’organiser ici. Je souhaite créer quelque chose autour de la techno avec une sorte d’axe Paris/Berlin/Tel Aviv et essayer de monter des soirées Old School ici. Pour finir, j’ai un autre projet en cours avec les graphistes d’Hand to Hand. Nous sommes en train de développer un concept graphique autour de la techno. Nous sommes dans la phase test, donc plus d’informations à suivre dans le futur, même si j’espère qu’en septembre le projet sera prêt.
Un dernier mot sur le mix ?
Je voulais partager une histoire, un truc que j’ai vécu. Je me suis inspiré de ce que j’ai fait il y a un mois lorsque j’ai mixé à côté de Berlin. J’avais joué dehors tranquillement en mélangeant des sonorités dub et deep, et plus tard, en intérieur, un peu plus techno. J’ai repris ce que j’avais fait, et j’ai retravaillé le tout pour réaliser ce mix de 2h30.
Interview par Christophe, photos par Amélie Prévoteau.
Tracklist :
01. Laurine Frost – New Reality
02. Vitalic – The Legend Of Kaspar Hauser
03. Premiesku – Discurs Pe Fundal
04. Murcof – Memoria
05. Premiesku – E Codat
06. Cio D’or – Pailletten (Sleeparchive Remix)
07. Claudio PRC – Breathe Again
08. Claudio PRC – Calypso
09. Mr. Mau – Quit
10. Planetary Assault Systems – Motif
11. Hungry Dub – Advanced Human
12. Substance – Relish
13. Marshall Jefferson & Noosa Heads – Mushrooms
14. Steve Bug – A Night Like This (Richie Hawtin’s A Dub Like That Remix)
15. Cavalier – Kaimanawa
16. Opti – The Rivers Went Dry
17. Gorge – Lolo Rosso
18. Mutant Clan – We Are…
19. Albert Van Abbe – Sugar Lobby Series 9191
20. Dominik Eulberg – Der Tanz Der Gluehwuermchen (Kollektiv Turmstrasse « Dirt Glow » Remix)
21. Ideal Flow – Serum (Krenzlin Remix)
22. Burnski & MANIK (NYC) – Next To Me (Manoo Remix)
23. The Pump Panel – Bang The Acid (88uw Mix)
24. Johannes Heil- Consciousness
25. Sascha Barth & Patrick Kunkel – The Gate
26. Franck de Villeneuve – Wake up my Mind
27. Cid Inc – Who We Are
28. Heron – ID
29. Gonzalo & Gonzalez – Flipping Off
30. Uner – Bassboot
31. Terrence Dixon – Minimalism A2 (Edwin Oosterwal Remix)
32. Mike Griego – Asteroids (Cid Inc Remix)
33. Choc St Clair – Expression Theives (Axel Karakasis Remix)
34. Cari Lekebusch – Obscurus Sanctus
35. Slam – Stepback (Mark Henning Remix)
36. Pagano – Breaking Bad (Mr. Bizz Remix)
37. Zoo Brazil – Tape To Tape (Mr. Bizz Remix)
38. Peppelino & Steel Grooves – Soul To Take
39. Sian – Equus
40. D.A.V.E The Drummer & Tony Montana – Luxus (DJ Hi-Shock Remix)