Voici huit ans que Boris Bunnik explore avec acharnement les possibilités de la musique électronique grâce à de nombreux projets et disques sortis chez des labels tels que Delsin, Clone ou Rush Hour. En 2015, l’artiste hollandais a sorti Presentism en tant que Conforce chez Delsin. Un album qui contient une collection diverse de sons et des morceaux qui possèdent un impact physique autant qu’émotionnel. Mais récemment c’est en tant que Versalife qu’il a également sorti Collision With The Past II chez le label un peu plus orienté electro Frustrated Funk. Le mix intitulé Program Or Be Programmed que nous vous proposons de découvrir est uniquement composé de morceaux inédits estampillés Versalife.
Presentism est sorti un peu plus tôt cette année. On dirait que tu apprécies vraiment le format album. Quand et comment décides-tu de faire un album ou un maxi ?
Dès que je sens qu’il y a de l’inspiration pour un nouvel album, je commence à faire des croquis et à penser à la palette sonore… En fait « penser » est un terme un peu déplacé. Expérimenter intuitivement est une meilleure façon de le décrire. Le concept d’album est un moyen d’expression complètement libre, il n’y a pas de dancefloor en tête. On y retrouve une atmosphère générale de ce qu’on cherche. C’est ce que je ressens et veux faire à un moment donné, c’est juste une phase de la vie. Mon dernier album était un peu plus musical que celui d’avant, simplement parce que j’ai senti que c’était la manière d’atteindre mon but. Ce n’est pas rationnel. On peut être plus expérimental bien entendu, jusqu’au point où ça ne fait plus de sens. Mais je voulais juste revenir à ce qui m’a inspiré naïvement sur mes deux premiers albums. C’est une approche plus ouverte, la palette sonore globale et les morceaux font ensemble sens à un moment.
Je pense que c’est aussi une bonne façon de sortir de sa zone de confort, de se mettre au défi. Et qui s’intéresse aux albums de musique club ? Je suis certain que c’est un gros défi pour les DJs techno établis qui voient un album purement comme un outil de promotion… Vous savez de quel genre d’albums je parle…
Cela devrait parler à l’imagination et non pas vous faire tomber de votre chaise. Tout du moins c’est ce qui m’a toujours inspiré dans les albums que j’admire vraiment chez les autres. L’expérience d’un autre monde. Les atmosphères viennent avant la fonctionnalité. Dans un club on ne peut toutefois pas les voir séparément. Les maxis sont de bonnes mini nouvelles mais parfois uniquement focalisées club.
Je me demandais si c’est aussi parce que tu as une approche très conceptuelle de la musique. Presentism par exemple semble soulever de nombreuses questions sur la notion du temps.
Au niveau sonore il y a un concept à un moment donné. C’est peut-être un grand mot, peut-être plus une période ultra focalisée. C’est aussi très très personnel, je me sens toujours très vulnérable lorsque je sors un album car c’est un travail très intime.
Je suppose que c’est ce qui le rend authentique et personnel. On s’en nourrit, et ensuite cela devient comme une bonne bouteille de vin. Ensuite tu la laisses dans la cave se reposer jusqu’à ce que tu sois content avec le résultat. On doit prendre un peu de distance. Presentism est une documentation personnelle pour se tenir un peu plus dans le présent. Les albums sont de bonnes périodes où l’on peut réfléchir à ses propres trucs.
Tu viens tout juste d’en parler, mais je vais quand même te demander de développer. Je me demandais en fait comment tu appréhendes la fonctionnalité, j’ai l’impression que pour toi la techno est plus une question d’émotions.
Je pense que ce qui est de nos jours appelé techno est incroyablement chiant, répétitif, sans-âme, des « tools décérébrés » (je ne peux même pas appeler ça de la musique). C’est presque aussi populaire que la trance à présent, non ?
C’est ce que la minimale a été il y a des années. Surtout cette hype pour une sorte de techno abstraite. Hihat, kick, une tonne de basse, de la reverb, un son de pad avec une automation de filtre en highpass dessus… Un peu de chaleur vintage dessus et direction Beatport. On dirait que beaucoup de gens ne font que des tools. Et c’est ce qui ne m’intéresse pas.
Mais ma définition personnelle de la techno est un peu différente. De la musique faite avec des machines par des gens. Pas de la musique de machine sans aucune trace du facteur humain dedans. Contrôlez-vous la machine, ou est-ce que la machine vous contrôle ?
La techno a un contexte large. Mais de nos jours, toute la scène est séparée en niches qui deviennent de plus en plus petites… La techno devrait traverser les genres.
Ce que je veux dire, c’est que nous pouvons tous programmer maintenant, ce n’est pas la partie la plus difficile. Mais vraiment refléter une identité personnelle et une authenticité à travers la musique… C’est à un niveau complètement différent. Après huit ans de production, j’ai finalement atteint un stade où je pense et peux dire que ma musique a une identité et qu’elle n’a jamais été purement une question de fonctionnalité.
Le talent est toujours à vendre avec l’équipement Roland, on a pas besoin de compétence pour faire quelque chose de bien là-dessus.
Au final tout est une question d’inspiration.
Peux-tu nous dire quelques mots sur le mix ?
Ce set est uniquement composé de morceaux sous Versalife, 100% de morceaux qui ne sont pas encore sortis et qui vont sortir. Un peu une sorte de live set fait à la maison.
Les presses (hors sujet) de vinyles sont extrêmement lentes de nos jours, donc allons-y digital 😀
Tu as décidé de faire ce podcast en tant que Versalife, et tu vas jouer aussi en tant que Versalife à Nantes. Peux-tu nous dire quelques mots sur tes pseudonymes et la façon dont tu les vois ?
Versalife fait des morceaux avancés et futuristes d’electro.
Hexagon est mon jardin pour jouer avec l’electronica/l’ambient, expérimenter. C’est une approche plus technique de la production.
Conforce reste le côté techno des choses. Avec le soi-disant esprit « Detroit », je dirais : « From the hearth to the club and in between. »
Ce sont toutes des identités séparées, mais bien entendu il y a des influences entre elles.
Nous invitons Versalife aka Conforce en live pour notre septième anniversaire à Nantes le 9 octobre au co2 (event).
Boris Bunnik has been relentlessly producing music for the past 8 years. Having explored different possibilities and genres with his many projects, 2015 saw the Dutch artist releasing as Conforce Presentism. The album showed a diverse collection of sounds together creating tracks of finely crafted techno that have both an emotional and physical impact. But it is with his Versalife alias that the prolific artist has delivered the present set entitled Program or be Programmed made essentially of unreleased material.
Presentism was released a bit earlier this year. It looks like you really enjoy the album format, how and when do you decide to make an album or an EP?
Whenever I feel there is inspiration for a new album I start to sketch and think about a sound palette, well thinking is maybe a bit of a misplaced term. Intuitively experimenting is a better way to put it. The album concept is a total free way of expression, there is no dance floor in mind. You kind of have an overall vibe that you want to achieve.
Most of all it’s what I want to make and feel at a certain time, it’s just a phase of life. My last album was a bit more musical than the one before, simply because I felt this was the way to go. It’s not rationalized. You can go more experimental of course until it makes no sense anymore but I just wanted to go back to what inspired me naively on my first two albums. It’s a more open approach but the overall sound palette and tracks together make sense at some point.
I think it’s a nice way to get out of your comfort zone too, challenge yourself, who is interested in club music albums anyway? I’m sure it’s a big challenge for established techno dj’s that see an album purely as a promotional tool… You know these kind of albums that i’m talking about.
It should speak to the imagination and not blow you out of your seat. At least that is what always inspired me about other peoples albums I really admire. The otherworldly aspect.
In general actually. Atmosphere comes before functionality. In a club though they can not be seen separately. So EP’s are good mini novels but sometimes purely club focussed.
I was wondering if this is also because you have a more conceptual approach to music, like Presentism seems to raise questions about time.
Sound wise there is a concept at some point. Concept is a big word maybe. It’s just a hyper focussed period. And it’s very very personal, I always feel pretty vulnerable when releasing an album because it’s such an intimate piece of work.
So I guess this is what should make it authentic and personal. You breed on it, and the it becomes like a proper bottle of wine you know.
You leave it in the basement for a while until you are happy with the result. You need to take some distance from it. Presentism is a personal document to ground a bit more in the present. Albums are good periods where you can reflect on your own stuff.
How do you see techno, and more precisely functionality in techno nowadays?
I think what is so called techno nowadays is utterly boring, loopy, soulless and braindead tool stuff (I can’t call it music). It’s just as popular as trance nowadays isn’t it?
It is what minimal used to be years ago. Especially this whole abstract techno hypo hype. Hihat, kick, 1 bass tone, reverb, pad sound with a automated highpass filter on it… Vintage warmer on top and off to Beatport. Seems a lot of people make only tools. And that is not what I’m interested in.
But my personal definition of techno is a bit different to be honest.
Music made with machines by people. Not machine music without any human factor in it.. Do you control the machine or does the machine control you?
Techno has a wide context. But the whole scene is split up in niches now that become smaller and smaller and smaller….
Techno should be cross genre.
I mean, we can all program nowadays, that isn’t the hardest part. But to truly reflect a personal identity and authenticity trough music..
That is a whole different level.
After 8 years of production I finally have reached a state where I think and can say my music has personal identity and was never purely about functionality. And talent is always for sale with Roland gear, you don’t need any skills to make something good on that.
In the end it’s all about inspiration.
Can you tell us a few words about the mix?
The set is strictly Versalife stuff, 100% new upcoming unreleased. Kind of a home live set.
Pressing plants (different story) for vinyl are extremely slow nowadays so let’s go digital 😀
You have decided to do this podcast as Versalife, can you tell us a little bit about your aliases and how you see them?
Versalife makes advanced futuristic electro cuts.
Hexagon is my electronica/ambient exp electronics play garden. It’s a more technical approach to production.
Conforce remains the techno side of things. With the so called Detroit spirit I would say. From the hearth to the club and in between.
They all are separate identities but there is of course influence from one to another.